Is 25, 6-10a ; Ps 22 ; Ph 4, 12-14.19-20 ; Mt 22, 1-14
Homélie retranscrite à partir d’un enregistrement
Frères et sœurs,
Nous voici rassemblés pour bénir Marie-Corentin, la nouvelle cloche de la cathédrale Saint-Corentin. Peut-être êtes-vous étonnés de voir l’importance donnée à la bénédiction d’une cloche : Marie-Corentin a été revêtue d’une robe de baptême, elle a des parrains et marraines, tout comme une personne baptisée. Pourquoi lui donne-t-on autant d’importance ?
Parce que cette cloche revêt un rôle liturgique, mais aussi missionnaire !
Un rôle liturgique, par exemple, lorsque l’angélus nous invite à la prière personnelle, même si nous sommes chez nous ; il exprime aussi la joie des fidèles lors des baptêmes, des mariages. La cloche fait en quelque sorte résonner la louange des fidèles qui viennent de célébrer un moment essentiel de leur vie. Lors des ordinations de prêtres, le bourdon retentit durant l’imposition des mains pour souligner la solennité de ce moment et aider l’assemblée à s’unir dans cette prière. Le glas sonne lors des obsèques, exprimant la tristesse tout en rappelant notre espérance chrétienne.
Mais la cloche a aussi un rôle missionnaire, car elle diffuse au loin ce que vivent les chrétiens dans l’église, elle porte au monde le témoignage de l’action de Dieu dans nos vies, rappelant à tous que des personnes se rassemblent et prient dans l’église.
J’ajoute qu’elle joue un rôle d’appel, sonnant avant la messe pour rappeler à chacun l’invitation de notre Seigneur Jésus à participer à l’Eucharistie (au festin des noces de l’Agneau.) Concrètement, la cloche nous transmet ce rappel : « N’oubliez pas la messe, et n’oubliez pas d’arriver à l’heure ! »
L’Évangile de ce jour nous montre à quel point il est vital de répondre à cette invitation, et d’en être dignes ! De quoi s’agit-il ?
Dans la première lecture, le prophète Isaïe annonce une grande fête à un moment indéterminé. Il nous rappelle que l’existence humaine n’est pas cyclique, mais a une origine et une histoire marquée par les guerres, les cataclysmes… mais aussi les fêtes et les joies de la vie humaine. C’est l’histoire du Salut que le Seigneur est en train de réaliser pour son peuple, pour les hommes et les femmes de ce monde. Le prophète nous rappelle aussi qu’il y a un terme ! Dans le livre d’Isaïe, ce terme n’est pas la destruction de tout, mais une grande fête, un grand repas dans une fraternité universelle où « toutes les nations seront rassemblées ». Le prophète ajoute : « le Seigneur de l’univers fera disparaître le voile de deuil qui enveloppe tous les peuples et le linceul qui couvre toutes les nations. Il fera disparaître la mort pour toujours. » Ce sera donc la fin de toute détresse, la fin du règne du mal aussi, avec cette expression magnifique : « le Seigneur Dieu essuiera les larmes de tous les visages. » Il y en a des larmes à essuyer dans notre monde ! Lorsque nous voyons l’actualité, il y en a des larmes qui coulent…
Cette vision de fin du monde me fait penser aux Journées mondiales de la Jeunesse à Lisbonne l’été dernier où des jeunes de toutes les nations étaient rassemblés pour louer le Seigneur et manifester ainsi cette fraternité universelle dans le Christ. C’était une préfiguration de ses noces de l’Agneau. Une préfiguration seulement, mais une préfiguration réelle de ce jour béni que nous attendons, car c’est bien le Christ qui a rassemblé ces jeunes d’origines si diverses.
Dans l’Évangile d’aujourd’hui, Jésus reprend cette image de la fête et du repas pour désigner la fin des temps, mais il en fait les noces de son fils et nous comprenons que ce fils, c’est lui, Jésus ! Car c’est Lui, qui par le don de sa vie sur la croix et par sa résurrection nous fait entrer dans ce grand temps de préparation dont parle Isaïe afin que les hommes et les femmes de toutes les nations puissent un jour se retrouver unis dans une même fête où le mal et la mort auront disparu. Il y aura donc une fin, et cette fin c’est ce que nous appelons la Parousie, l’avènement du Christ dans la gloire à la fin des temps.
La parabole du Christ nous rappelle que tous sont invités, mais qu’il faut être dignes de cette invitation, d’où l’image du vêtement de noce. Il ne suffit pas de répondre à l’invitation en écoutant l’Évangile, en mettant en Lui notre foi, il faut aussi s’engager à la suite du Christ et faire la volonté du Père. C’est le symbole de ce vêtement de baptême que revêt la cloche. Cela demande une conversion pour sans cesse nous efforcer avec la grâce de Dieu de grandir en sainteté. Il faut de la volonté et du courage pour être chrétien.
Pourquoi est-ce si important de croire en cet avènement du Christ à la fin des temps ? Il nous paraît tellement loin ce repas des noces de l’Agneau ! Mais, frères et sœurs, si nous n’y croyons pas, alors à quoi bon répondre à l’invitation ? Dans ce cas, nous avons autre chose à faire comme les premiers invités dans la parabole. La foi en l’avènement glorieux du Christ nous donne la motivation et la force nécessaire pour nous convertir et répondre aux exigences de l’Évangile, car suivre le Christ n’est pas un chemin facile. Il passe par la croix que nous trouvons à bien des moments dans notre vie, avec les épreuves qui peuvent survenir. Avec la foi, nous trouvons le courage d’avancer si nous savons où nous allons. Lorsqu’un navire sort pour aller en mer, le commandant sait parfaitement où il veut aller et quel est le cap qu’il doit prendre et dans quel port il va accoster. Pour nous, c’est la même chose. Notre port d’attache, c’est cet avènement glorieux du Christ et c’est vers là que nous mettons notre cap. Et le Seigneur nous donne la joie de l’espérance pour avancer dans la vie en gardant ce cap. Il y a la croix, mais il y a aussi la joie de la résurrection dans les événements de notre vie.
Le Seigneur nous invite, mais comment nous prépare-t-il ? Quels moyens nous donne-t-il ? C’est le rôle central de l’Église, la mission que le Christ lui a confiée.
Tout d’abord, par l’annonce de l’Évangile qui fait retentir cette invitation du Christ. Une parole qui nous nourrit pour nous préparer à nous unir au Christ pour toujours. Pour orienter notre existence dans le sens du bien commun.
Ensuite, par les sacrements, que ce soit le sacrement du pardon qui nous permet de reprendre le bon cap, ou encore le sacrement central de l’eucharistie qui nous fait déjà participer au repas des noces ainsi que le dit le prêtre avant la communion, « heureux les invités au repas des noces de l’Agneau ». En venant à la messe, nous sommes déjà partie prenante de ce repas jusqu’au jour où nous y participerons pleinement. C’est donc déjà notre vie qui est en jeu dans ce sacrement, d’où l’importance de la cloche qui nous le rappelle et nous invite.
Et enfin, par le service des plus pauvres, l’amour des autres, le don de soi par amour. Le Christ a donné sa vie pour nous, nous aussi nous devons donner notre vie pour nos frères.
Si dans notre existence quotidienne nous sommes fidèles à ces trois aspects de la vie chrétienne que sont l’accueil de la parole de Dieu, la vie sacramentelle et le service des autres alors nous sommes bien de ceux qui répondent à l’invitation du Seigneur et qui se préparent à son avènement glorieux. Mais nous avons toujours une marge de progression et nous devons prendre au sérieux cette invitation du Seigneur.
Pour en revenir à la cloche et à son rôle missionnaire, puisqu’elle se fait entendre de loin, elle nous rappelle que le Seigneur nous demande de faire connaître à tous, l’espérance de l’avènement glorieux du Christ, de l’enjeu que cela représente pour notre vie et de l’invitation à son repas des noces. Comme dans l’Évangile, il y en a qui refusent, mais il y en a aussi qui entendent et qui répondent comme nous le constatons avec les catéchumènes toujours plus nombreux qui se préparent au baptême.
Alors, frères et sœurs, dans cette période bousculée de l’histoire de l’humanité où nous aurions des raisons de désespérer, que la lumière de l’avènement du Christ que nous attendons nous remplisse d’espérance et nous rende joyeux et actifs au service de l’unité et de la paix. Cette nouvelle cloche que nous allons bénir nous le rappelle. Amen.
† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon