Lundi 28 août. 10h. Dans la cour du magasin de producteurs de Goasven, à Logonna-Daoulas. Celles et ceux qui avaient fait connaissance début juillet, et qui ont accepté de faire partie de ce groupe de recherche autour des coûts cachés de l’alimentation, arrivent petit à petit. Autour d’un café, ils échangent sur l’été, sur leur joie de se retrouver. « Je me sens beaucoup moins stressé en arrivant ce matin », lance Jérôme, bénévole du Secours catholique.
Passé ce temps de l’accueil, il est temps de se mettre au travail. « Pour rappel, l’objectif de cette étude est de croiser les savoirs des chercheurs et des consommateurs, introduit Astrid, chargée de plaidoyer au niveau national. L’objectif de ce groupe est d’incarner les coûts cachés de l’alimentation. Nous allons construire la réflexion ensemble et nous mettre dans la posture de chercheurs. »
Chacun a été invité, à travers un « jeu » à s’interroger sur son rapport à l’alimentation, sur les périodes où tout était « vert » ou au contraire, « rouge ». En binôme, ils ont pu raconter leur parcours alimentaire depuis l’enfance, jusqu’à aujourd’hui. « Dans ma famille, il n’y avait pas beaucoup d’argent donc nous mangions beaucoup de féculents, de gâteaux industriels. Plus tard, lorsque je suis tombée malade, j’ai commencé un régime alimentaire très strict. Trop. Je n’avais plus aucun plaisir à manger. Aujourd’hui, j’ai trouvé un équilibre », confie Alexandra. « La nourriture pour moi, ce n’est pas quelque chose de fixe. Cela ne m’intéresse pas donc je mange quand j’ai envie », reconnaît un membre du groupe. Pour beaucoup, l’entrée dans la vie active a été un vrai point de bascule dans leur alimentation. Parfois pour aller vers le vert, ou à l’inverse, pour tomber dans le rouge. « Quand j’ai commencé à travailler, je gagnais bien ma vie donc je profitais. J’allais au resto ou je m’achetais tout ce qui me faisait envie. Aujourd’hui, je suis reconnu travailleur handicapé. Je gagne beaucoup moins ma vie donc je n’achète des fruits et des légumes que très rarement. Je suis cuisinier, je pourrais faire davantage, je sais faire mais financièrement, cela ne passe pas. »
Pour Caroline, le fait de s’installer à la campagne a été un vrai point de bascule. « Je cultive mon potager, je m’arrange avec des voisins. Pour moi, mon alimentation est un vrai engagement politique. Je refuse d’enrichir l’agroalimentaire. » Pour d’autres, c’est le fait de devenir parents qui a opéré un changement. « C’est à nous de leur donner de bonnes habitudes. »
« Tout ce qu’on entend ce matin, il n’y a que vous qui pouvez le dire de manière véritable », a conclu Thierry Lavignac, animateur du Secours catholique du Finistère.
Au cours d’un second temps de partage, chacun a pu dire, en s’appuyant sur des photos, son mode de consommation. « Je me déplace à vélo essentiellement. Mon quotidien pour manger ? Ce sont les chèques alimentaires. Je vis avec 600€ de pension, je dois me débrouiller avec ça. » « J’adapte mes courses en fonction des promotions. Je calcule toujours le plus intéressant. Quand je peux, je favorise toujours les produits d’origine française et je ne consomme pas les produits qui ne sont pas de saison. » « Je ne fais mes courses qu’en magasin bio et le reste, je cultive dans mon potager ou je profite d’achats groupés pour la viande par exemple. »
Des échanges qui ont permis de discerner ce qui était acceptable et ce qui ne l’était pas. « En étant en contact direct avec les producteurs, je sais ce que je mange. J’ai davantage de garantie sur la qualité. Et finalement, je me sens beaucoup moins isolée à la campagne qu’en ville. Il y a davantage d’entraide. » « On devrait tous pouvoir faire nos courses dans les mêmes magasins. Cela ne doit pas dépendre de la classe sociale à laquelle on appartient. » « Les circuits courts, on en rêve tous mais avec un petit budget, ce n’est pas possible. »