Ex 19, 2-6a ; Ps 99 ; Rm 5, 6-11 ; Mt 9, 36-10, 8
Homélie retranscrite à partir d’un enregistrement
Frères et sœurs,
Dans ce contexte de fin de visite pastorale, ce passage d’Évangile nous donne un beau message pour continuer la mission.
Une première question qui se pose par rapport à cet Évangile : pourquoi les foules sont-elles « désemparées et abattues comme des brebis sans berger » ?
Dans le contexte de l’époque, nous l’ignorons, mais en entendant cette Parole, je pense à ce que nous vivons aujourd’hui : les foules d’aujourd’hui ressemblent beaucoup aux foules d’hier. Bien sûr, les foules ne sont pas forcément abattues, elles ne sont pas forcément désemparés, mais beaucoup de personnes sont travaillées par la soif de sens à donner à leur vie, par la soif d’espérance (par rapport à l’avenir, aux guerres, au défi climatique…), par la soif de vérité dans un monde où chacun se forge sa vérité, mais sur des bases qui ressemblent souvent à des sables mouvants, un peu comme des brebis sans berger qui suivent leur instinct…, par la soif d’amour, de respect, de fraternité aussi, dans un monde avec manifestement trop de violence. Toutes ses soifs au cœur de l’être humain sont déjà l’œuvre de l’Esprit Saint qui travaille le cœur des personnes.
Alors, que propose Jésus pour répondre à ces soifs ? Dans ce passage d’Évangile, il change d’image, passant du berger aux moissonneurs. Les deux images se conjuguent. D’abord, s’il parle de moisson c’est qu’il y a eu d’abord du labour, des semailles… un long travail très important qui représente l’œuvre de Salut que Dieu accomplit en ce monde et que Jésus vient porter à son aboutissement en devenant le Berger, pour reprendre sa première image.
À l’époque, il fallait beaucoup de monde pour moissonner, sinon, la moisson risquait de se perdre. C’est un symbole fort, aujourd’hui, pour nous envoyer en mission !
Que représente cette moisson ? Justement le fait que ces foules désemparées sont prêtes à accueillir la Bonne Nouvelle du Royaume de Dieu. Elles ont déjà été travaillées, labourées, semées. Mais, il faut des ouvriers pour que cela aboutisse concrètement dans leur vie ; et pour cela des disciples de Jésus qui se mettent au travail pour aider ces foules à trouver le chemin de la vie et à s’y engager, afin de ne pas les laisser justement « désemparées et abattues ». De ne pas les laisser avec leurs soifs.
Dans l’Évangile, Jésus appelle ces douze disciples et leur donne mission « d’expulser les démons et de guérir toute maladie et toute infirmité. » Cela peut nous sembler étrange, car les apôtres peuvent être exorcistes, mais ils ne sont pas médecins. En fait, le corps et l’esprit ne sont pas séparés. Le Seigneur prend soin de toute la personne afin qu’elle soit délivrée du mal et qu’elle trouve le chemin de la vie. Je suis frappé de constater que, dans les lettres que les catéchumènes et les confirmands, même chez les jeunes, m’écrivent, beaucoup disent avoir été sauvés par Jésus, grâce à l’aide des chrétiens qui les ont aidés à découvrir le Christ et sa Parole de Vie. Être délivré du mal et trouver une forme de guérison, ce ne sont pas des mots en l’air ! C’est une réalité dont nous sommes témoins tout au long de l’année ! Jésus sauve et nous sommes envoyés par Lui comme des moissonneurs pour leur apporter la Bonne Nouvelle du Salut et les aider à devenir disciples de Jésus.
En cette messe de clôture de la visite pastorale, j’aimerais souligner deux appels qui me semblent importants en réponse à cet appel de Jésus.
Tout d’abord, nous sommes actuellement dans une période de conversion missionnaire de toutes les paroisses. Nous avons déjà été témoins de l’action de beaucoup d’ouvriers à la moisson dans cette paroisse durant la visite. Je pense en particulier à la diaconie avec laquelle nous avons eu une magnifique réunion avec beaucoup de personnes qui sont engagées pour le service des plus pauvres, afin qu’ils aient pleinement la possibilité de grandir dans la foi et de prendre leur place dans nos communautés chrétiennes ; mais aussi à la pastorale des jeunes et des vocations, ou encore celle des funérailles, où il y a énormément de gens impliqués et je remettrai tout à l’heure des lettres de mission à un certain nombre de guides ; je pense aussi aux petites communautés fraternelles, aux tables ouvertes paroissiales auxquelles des personnes éloignées de l’Église participent ; les préparations aux baptêmes et aux mariages qui sont des lieux d’évangélisation ; au catéchuménat des adultes, aux mouvements de jeunes et d’adultes… Mais, nous avons pris conscience aussi que de grandes foules sont encore loin et que nous avons à trouver les moyens de les rejoindre. C’est pourquoi nous devons beaucoup prier pour que le Seigneur touche le cœur de ces personnes, et beaucoup appeler aussi pour que de nombreuses personnes s’engagent dans les différents mouvements et services de la paroisse pour devenir eux-mêmes des moissonneurs. Tous doivent se sentir appelés !
Je termine par cet appel de Jésus : « La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux. Priez donc le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers pour sa moisson. » La prière est un élément essentiel pour pouvoir faire grandir le nombre de personnes. Le Seigneur appelle chacun d’entre nous, jeunes comme adultes, à prendre sa place dans la communauté chrétienne afin que la Bonne Nouvelle du Salut soit annoncée et célébrée à cette grande foule de personnes qui ont soif de l’essentiel, mais qui n’ont pas trouvé la source d’eau vive.
Et aujourd’hui, je souhaite souligner un appel plus particulier concernant l’appel plus spécifique des prêtres, de religieux et de religieuses. Jésus nous appelle donc à prier : « Priez donc le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers pour sa moisson ».
Pourquoi faut-il prier pour les vocations ? Cela peut paraître étrange, car au fond, si nous prions c’est que nous souhaitons que le Seigneur connaisse nos besoins, et Dieu connaît très bien nos besoins ! Il sait très bien que nous avons besoin de prêtres, de religieux et de religieuses. Si nous prions, ce n’est donc pas pour faire Lui connaître nos besoins. Si nous prions pour les vocations, c’est pour transformer nos cœurs afin que nous soyons capables d’accueillir les grâces qu’Il veut nous donner et d’entendre les appels qu’Il nous adresse au plus profond de notre cœur. Il y a quelques décennies, les parents poussaient certains de leurs enfants à devenir prêtres ou religieux ou religieuses. Aujourd’hui, dans bien des familles, même pratiquantes, lorsqu’un de leurs enfants annonce qu’il se sent appelé par le Seigneur, cela n’est pas toujours une bonne nouvelle, et il y a même de la résistance ! Pourquoi ? Les parents craignent peut-être que leur enfant ne soit pas heureux, mais, quand on est appelé par le Seigneur à sa moisson, il y a une grande joie qui vient de l’Esprit Saint ! Les familles sont concernées pour accueillir la vocation de leur enfant et l’aider à grandir, mais toute la communauté chrétienne est également concernée pour soutenir et encourager les jeunes qui se sentent appelés à engager toute leur vie pour le Seigneur, au service de leurs frères et sœurs.
Dans une semaine, je vais ordonner deux nouveaux prêtres pour le diocèse, Jean et Samuel, à la cathédrale de Quimper. C’est une très grande joie ! Nous avons commencé hier une neuvaine de prière dans tout le diocèse pour nous ouvrir à ces vocations. Vous avez à disposition des livrets, où chaque jour il y a une prière à dire ensemble, seul, ou en famille, ou encore en couple afin d’être tous unis dans la prière durant toute cette semaine.
Je suis convaincu que cette neuvaine de prière va nous rendre accueillants à tout ce que le Seigneur veut susciter dans nos cœurs.
Vous avez compris que les ouvriers pour la moisson, ce ne sont pas que les prêtres, les religieux ou les religieuses. Ce sont tous les baptisés, membres du Corps du Christ. Même s’il y a aussi grand besoin de jeunes qui engagent toute leur vie comme prêtres, religieux et religieuses. Il y a donc une nécessité pour chacun de répondre à l’appel du Seigneur, en famille, en Église, chacun selon son état de vie !
Prions avec ferveur, frères et sœurs, car le Seigneur nous comble de tout ce qui nous est nécessaire pour que nous-mêmes et les habitants de cette paroisse, croyants ou non, trouvent le chemin de la vie avec le Christ, et ne soient plus comme des brebis sans berger. Amen.
† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon