Dans l’Evangile selon saint Matthieu, Jésus a pitié des foules. Comme s’il éprouvait un sentiment d’impuissance devant leur malheur. Il considère que la mission des disciples qu’il choisit est de poursuivre son œuvre de salut.
Voyant les foules, Jésus fut saisi de compassion envers elles
parce qu’elles étaient désemparées et abattues
comme des brebis sans berger. Il dit alors à ses disciples :
« La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux.
Priez donc le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers pour sa moisson. »
Alors Jésus appela ses douze disciples et leur donna le pouvoir
d’expulser les esprits impurs et de guérir toute maladie et toute infirmité.
Voici les noms des douze Apôtres :
le premier, Simon, nommé Pierre ; André son frère ;
Jacques, fils de Zébédée, et Jean son frère ;
Philippe et Barthélemy ; Thomas et Matthieu le publicain ;
Jacques, fils d’Alphée, et Thaddée ;
Simon le Zélote et Judas l’Iscariote, celui-là même qui le livra.
Ces douze, Jésus les envoya en mission avec les instructions suivantes :
« Ne prenez pas le chemin qui mène vers les nations païennes
et n’entrez dans aucune ville des Samaritains.
Allez plutôt vers les brebis perdues de la maison d’Israël.
Sur votre route, proclamez que le royaume des Cieux est tout proche.
Guérissez les malades, ressuscitez les morts,
purifiez les lépreux, expulsez les démons.
Vous avez reçu gratuitement : donnez gratuitement.
Mt 9, 36 à 10, 8
Les foules qui suivent Jésus sont fatiguées, abattues, comme des brebis sans berger, des moissons sans moissonneurs, avec en perspective du blé qui va se perdre, des famines qui vont durer. Que faire ? Il a déjà beaucoup enseigné ; il a guéri, apaisé une tempête. Mais il semble submergé par la détresse des gens. Ce sentiment du Christ n’est-il pas aussi le nôtre, surtout en ces temps difficiles que vit le monde, que vit notre société, que vivent nos communautés ? Il arrive bien souvent aussi aux chrétiens d’éprouver un sentiment d’impuissance. Mais l’attitude du Christ les invite à l’espérance. Pour n’être pas seul à l’œuvre, et pour qu’elle se poursuive après lui il appelle des compagnons.
Sa première communauté prend racine dans son cœur, dans son regard de compassion et son souci pour les foules abattues et fatiguées. Les douze disciples sont les fondements de son Église. Ils forment une communauté fraternelle de personnes envoyées en mission parmi les foules pour soulager et réconforter, ressusciter et libérer. Tous les verbes qui qualifient la mission sont positifs. La suite de l’Évangile nous révèle les noms de ces premiers compagnons de Jésus. Ils ne sont ni des génies ni des lumières, et leur groupe n’est pas une armée d’élite, bien loin de là. C’est du sein de cette foule de gens fatigués et abattus que Jésus les appelle. Ne sont-ils pas les plus à même de soutenir et de réconforter les autres, eux qui connaissent et partagent les épreuves et la détresse du monde où ils vivent ?
Jésus leur confie une mission étonnante de vigueur. On pourrait penser que la mission donnée aux Douze est bien déraisonnable et manque de réalisme : « expulser les esprits impurs et guérir toute maladie et toute infirmité », quel chantier ! Immense est la démesure entre leur peu d’expérience, leurs moyens, et le programme que leur fixe le Christ. C’est bien ainsi que beaucoup réagissent aussi quand on leur confie une mission. C’est trop dur, je ne suis pas capable. Demandez à un autre. L’Évangile ne nous dit rien sur les réactions de ceux que Jésus envoie en mission.
Quelques petites phrases des textes sont précieuses. La première : « Jésus appela les Douze et leur donna le pouvoir de… » Le mot « pouvoir » n’est pas à comprendre ici dans un sens juridique, politique ou magique. Aucune hiérarchie ni administration n’existent encore ! Aucun « pouvoir sacré » non plus, tel qu’il a été nommé pour des ordinations des prêtres dans le rituel d’avant Vatican 2. Une expression qui a été changée. Elle peut en effet faire l’objet d’une dangereuse ambiguïté, si on la comprend dans le contexte de cultures féodales où les détenteurs de ce pouvoir étaient considérés comme investis d’un droit divin. C’est parce qu’ils seront habités par la puissance de l’Esprit du Christ, sa générosité, sa pitié pour les foules, qu’ils agiront comme lui. Leur pauvreté de moyens n’est pas un obstacle pour la mission, bien au contraire, puisque c’est le Christ qui agira en eux et par eux. Le pouvoir qu’ils reçoivent du Christ doit s’inspirer du sien : celui de résister au mal et de le vaincre.
Jésus a dit : « Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement ». Saint Paul développe la portée de cette déclaration. La gratuité, la grâce, un maître mot pour comprendre la mission de l’Église et de tout disciple du Christ. Dans sa lettre aux Romains, saint Paul développe la portée de la parole de Jésus.
Alors que nous n’étions encore capables de rien,
le Christ, au temps fixé par Dieu, est mort pour les impies que nous étions.
Accepter de mourir pour un homme juste, c’est déjà difficile ;
peut-être quelqu’un s’exposerait-il à mourir pour un homme de bien.
Or, la preuve que Dieu nous aime,
c’est que le Christ est mort pour nous, alors que nous étions encore pécheurs.
À plus forte raison, maintenant que le sang du Christ nous a fait devenir des justes, serons-nous sauvés par lui de la colère de Dieu.
En effet, si nous avons été réconciliés avec Dieu par la mort de son Fils
alors que nous étions ses ennemis,
à plus forte raison, maintenant que nous sommes réconciliés,
serons-nous sauvés en ayant part à sa vie.
Bien plus, nous mettons notre fierté en Dieu, par notre Seigneur Jésus Christ,
par qui, maintenant, nous avons reçu la réconciliation.
Rm 5, 6-11
Chaque baptisé et chaque ministre doivent se souvenir constamment que leur personne, leur foi, sont les fruits d’un don gracieux de Dieu. Par elle-même l’Église n’est rien. Tout lui vient de Dieu par pure bonté de sa part, par pure grâce aussi puisqu’il est lui-même le Père de toute grâce. Qu’a-t-elle donc à faire d’autre qu’être le signe du salut accompli par son maître et Seigneur ?
Dans le Livre de l’Exode, Dieu s’adresse à son peuple sorti d’Égypte et lui révèle la raison pour laquelle il l’a choisi et libéré et quelle est sa mission.
C’est en partant de Rephidim qu’ils arrivèrent dans ce désert,
et ils y établirent leur camp juste en face de la montagne.
Moïse monta vers Dieu. Le Seigneur l’appela du haut de la montagne :
« Tu diras à la maison de Jacob, et tu annonceras aux fils d’Israël :
“Vous avez vu ce que j’ai fait à l’Égypte,
comment je vous ai portés comme sur les ailes d’un aigle
et vous ai amenés jusqu’à moi.
Maintenant donc, si vous écoutez ma voix et gardez mon alliance,
vous serez mon domaine particulier parmi tous les peuples,
car toute la terre m’appartient ;
mais vous, vous serez pour moi un royaume de prêtres, une nation sainte.”
Voilà ce que tu diras aux fils d’Israël. »
Ex 19, 2-6
« Les ailes d’un aigle », une image étrange et belle dans le texte, qui est reprise par le Livre du Deutéronome (32, 10-11). Certains voyageurs ont rapporté comment les aigles ou les vautours se comportent quand ils s’envolent de leur nid et portent leurs petits sur leurs ailes pour leur apprendre à voler. Après les avoir lâchés, ils tracent au-dessus d’eux de larges cercles, et après chaque essai les petits viennent se reposer sur les ailes des parents. N’est-ce pas ainsi que le Christ agit aussi pour et avec ceux qu’il appelle et envoie en mission ?
La déclaration de Dieu transmise par Moïse à son peuple qui vient de sortir du pays de son esclavage est solennelle et revêtue d’une grande importance. « Maintenant donc, si vous écoutez ma voix et gardez mon alliance, vous serez mon domaine particulier parmi tous les peuples, car toute la terre m’appartient ; mais vous, vous serez pour moi un royaume de prêtres, une nation sainte. » Par ces paroles qui scellent l’Alliance dans un contexte nouveau, Dieu déclare à Israël quelle est désormais sa vocation : vivre et pratiquer la sainteté dont la Loi détaillera le programme. Et cela parmi tous les peuples, qui eux aussi sont avec Lui dans une relation d’Alliance car ils lui appartiennent. Peuple élu, Israël est le peuple appelé à donner l’exemple à tous et à faire connaître le Dieu de l’Alliance à toutes les foules sans berger.
Evangile selon saint Matthieu – Mt 9, 36-10, 8