Ce septième dimanche de Pâques est désormais considéré comme « la Journée mondiale des communications sociales » instaurée par le Concile Vatican 2. Le pape François nous propose cette année de nous arrêter sur l’importance de « parler avec notre cœur ».
« C’est le cœur qui nous a poussés à aller, voir et écouter, et c’est le cœur qui nous pousse à une communication ouverte et accueillante. Après nous être formés à l’écoute, qui demande attente et patience, ainsi que le renoncement à affirmer au préalable notre point de vue, nous pouvons entrer dans la dynamique du dialogue et du partage, qui est précisément celle du fait de communiquer cordialement. Une fois que nous aurons écouté l’autre avec un cœur pur, nous réussirons également à parler selon la vérité dans l’amour (cf. Ep 4, 15). »
Dans l’Évangile selon saint Jean, Jésus apprend à ses disciples à prier avec leur cœur comme il le fait lui-même quand il s’adresse à son Père et aussi à eux. Il leur confie ainsi de l’imiter pour qu’ils l’annoncent et l’apprennent au monde. C’est l’unique grande prière personnelle de Jésus dans les évangiles.
A l’heure où Jésus passait de ce monde à son Père,
il leva les yeux au ciel et dit : « Père, l’heure est venue.
Glorifie ton Fils afin que le Fils te glorifie.
Ainsi, comme tu lui as donné pouvoir sur tout être de chair,
il donnera la vie éternelle à tous ceux que tu lui as donnés.
Or, la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi le seul vrai Dieu,
et celui que tu as envoyé, Jésus Christ.
Moi, je t’ai glorifié sur la terre en accomplissant l’œuvre
que tu m’avais donnée à faire.
Et maintenant, glorifie-moi auprès de toi, Père,
de la gloire que j’avais auprès de toi avant que le monde existe.
J’ai manifesté ton nom aux hommes que tu as pris dans le monde
pour me les donner. Ils étaient à toi, tu me les as donnés,
et ils ont gardé ta parole.
Maintenant, ils ont reconnu que tout ce que tu m’as donné vient de toi,
car je leur ai donné les paroles que tu m’avais données :
ils les ont reçues, ils ont vraiment reconnu que je suis sorti de toi,
et ils ont cru que tu m’as envoyé.
Moi, je prie pour eux ; ce n’est pas pour le monde que je prie,
mais pour ceux que tu m’as donnés, car ils sont à toi.
Tout ce qui est à moi est à toi, et ce qui est à toi est à moi ;
et je suis glorifié en eux.
Désormais, je ne suis plus dans le monde ;
eux, ils sont dans le monde, et moi, je viens vers toi.
Père saint, garde-les unis dans ton nom,
le nom que tu m’as donné, pour qu’ils soient un, comme nous-mêmes.
Jean 17, 1b-11a
Jésus lève les yeux au ciel et s’adresse à Dieu et non plus directement à ses amis. Dans sa prière, Jésus appelle Dieu « Père ». Il se réjouit d’avoir transmis aux apôtres la connaissance qu’il a de lui pour qu’ils la communiquent au monde. Une connaissance nouvelle de Dieu, de sa Parole et de sa volonté, des projets de son cœur pour l’humanité, des projets de paix, de justice et d’unité. Elle passe désormais par une connaissance du nom de Dieu en Jésus son Fils, ce qui veut dire de son être, et une connaissance de sa relation à l’humanité, de la manière dont il veut communiquer avec elle et dont elle est appelée à communiquer avec lui. Il est le Père de Jésus Christ, et en lui le Père de tous ses enfants de la terre.
Jésus parle aussi du monde. Il achève son séjour au milieu du monde, ce monde, dit-il, que Dieu a tant aimé qu’il lui a envoyé son Fils. Désormais ce sont eux qu’il appelle à être présents dans le monde, à faire signe de lui de manière cordiale, à rendre témoignage de lui, par la Parole et les comportements qui ont été les siens au milieu de tous et particulièrement des pécheurs, des pauvres, des malades. A eux d’être inventifs pour utiliser à cette fin, tous les moyens de communication, partout où les humains communiquent entre eux
Mais il leur a fallu ensuite vivre les heures noires de sa Passion et de sa mort scandaleuse, et traverser la nuit de leur incompréhension de Dieu. Il leur a fallu désapprendre ce qu’ils pensaient être la manière pour Dieu de communiquer avec les hommes. Dieu, pensaient-ils peut-être, – et donc son Messie son envoyé – se devait de séduire, de persuader par la force et la contrainte, par les chantages religieux, par les apparats royaux ou princiers, par les déclarations et les projets politiques qui allaient enfin faire régner la justice, récompenser les bons et punir les méchants. En Jésus c’est l’inverse qui s’est produit : il a choisi le chemin du service, de l’abaissement, de la solidarité avec les humbles et les pauvres. Il a témoigné de la cordialité de Dieu, son Père et le Père de tous les humains
Cette prière de Jésus a été suivie d’un temps de retournement de leur intelligence et de leur foi après leurs désertions et leur dispersion, un temps de prière et de retrouvailles entre eux que saint Luc décrit au commencement des Actes des Apôtres.
Alors, ils retournèrent à Jérusalem
depuis le lieu-dit « mont des Oliviers » qui en est proche,
— la distance de marche ne dépasse pas ce qui est permis le jour du sabbat.
À leur arrivée, ils montèrent dans la chambre haute où ils se tenaient habituellement ; c’était Pierre, Jean, Jacques et André, Philippe et Thomas, Barthélemy et Matthieu, Jacques fils d’Alphée,
Simon le Zélote, et Jude fils de Jacques.
Tous, d’un même cœur, étaient assidus à la prière,
avec des femmes, avec Marie la mère de Jésus, et avec ses frères.
Actes des apôtres 1, 12-14
Saint Luc nomme quelques membres de la première assemblée chrétienne en prière. D’abord les Onze, présentés de manière nouvelle : les couples de frères, Pierre et André, Jacques et Jean ne sont plus cités ensemble ; ce qui est le signe peut-être que s’instaure une fraternité nouvelle sur la base non plus de la relation familiale naturelle, mais de la relation au Christ. Marie aussi est présente ainsi que quelques femmes et les frères de Jésus. Le verset suivant dira qu’ils sont au nombre de cent-vingt, au moment où ils se préparent à recevoir le don de l’Esprit Saint. C’est après cela qu’ils vont entreprendre leur communication avec le monde, et parler un langage nouveau, surprenant et compréhensible pour toutes les cultures de leur temps. L’extrait de la Lettre de Pierre que nous présente la liturgie ce dimanche, atteste du chemin spirituel que les disciples – et lui, particulièrement – ont vécu le temps entre Passion et Pentecôte.
Dans la mesure où vous communiez aux souffrances du Christ,
réjouissez-vous, afin d’être dans la joie et l’allégresse
quand sa gloire se révélera.
Si l’on vous insulte pour le nom du Christ,
heureux êtes-vous, parce que l’Esprit de gloire,
l’Esprit de Dieu, repose sur vous.
Que personne d’entre vous, en effet, n’ait à souffrir
comme meurtrier, voleur, malfaiteur, ou comme agitateur.
Mais si c’est comme chrétien, qu’il n’ait pas de honte,
et qu’il rende gloire à Dieu pour ce nom-là.
1 P 4, 13-16
On peut noter les évolutions chez les disciples dans leur manière de comprendre le Christ, de connaître Dieu comme Père et de vivre animés par l’Esprit qui repose sur eux désormais. « Pourquoi restez-vous là à regarder vers le ciel ? », leur avait déclaré les deux hommes en blanc après l’Ascension de Jésus. Ils ont compris que le bonheur et la vie éternelle dès cette terre ne sont pas des expériences béates, des évasions de la condition humaine. C’est dans l’histoire du monde qu’ils doivent communier à la vie qui fut celle du Christ, depuis le jour où l’Esprit de Dieu reposa sur lui et l’envoya annoncer « la bonne nouvelle aux pauvres, la libération aux captifs et aux opprimés, la lumière aux aveugles ». Les membres de l’assemblée présentée par saint Luc attendent la venue de l’Esprit : c’est sur eux qu’il va reposer, et ils savent que la poursuite de sa mission d’évangélisation peut entraîner souffrance et persécution. Elle implique de se faire comme lui serviteur de l’humanité, et de faire connaître et partager le bonheur de donner et de se donner qui est le bonheur de Dieu lui-même.
Pierre les invite à vaincre la peur et la honte. Il se souvient que la mort de Jésus, le mépris et la dérision dont il avait été victime les avaient paralysés. Il se souvient de son propre cheminement et du dépassement de sa crainte et de sa honte. Il se souvient de ses larmes après son reniement. Il les invite à être fiers d’être reconnus comme disciples du Christ en faisant le bien comme lui qui a honoré l’humanité, alors que ses meurtriers l’ont déshonorée et se sont couverts de honte pour toutes les générations.
En cette journée, l’Église est invitée se présenter comme une Église cordiale. A considérer l’histoire du monde et les histoires des hommes et des femmes, selon une logique de « bonnes nouvelles ». Il s’agit de lutter contre « deux maladies du système de communication actuel » que sont l’« anesthésie des consciences » et « l’abandon au désespoir ». Il est possible que la conscience soit cautérisée, comme le rappelle le pape François dans ‘Laudato si’, du fait que « les professionnels, les leaders d’opinion et les médias opèrent dans les zones urbaines éloignées des lieux de pauvreté et des besoins, et vivent une distance physique qui conduit souvent à ignorer la complexité des drames des hommes et des femmes. » Dieu fait partie intégrante de toute situation humaine et révèle que nous ne sommes pas seuls, parce que nous avons un Père qui n’a pas oublié ses propres enfants, et un frère ressuscité.
Evangile selon saint Matthieu – Mt 28, 16-20