Lorsque meurent un proche ou un ami vient le temps du deuil. Il faut souvent un long moment pour accepter son absence, pour se souvenir et pour organiser la vie autrement, car l’homme meurt mais son absence ne meurt pas. Il faut laisser au temps du temps pour que le deuil fasse son travail. Cela peut durer un an ou bien plus. La fête de l’Ascension arrive quarante jours après la fête de Pâques. « Quarante », un chiffre symbolique dans la Bible. Il faudra à Israël quarante ans de traversée du désert pour passer de la servitude à la liberté. Jésus lui aussi passera quarante jours dans le désert face au choix qu’il devra faire pour accomplir la volonté de son Père. Entre Pâque et l’Ascension, Jésus est apparu à ses disciples, a manifesté sa présence au milieu d’eux quand ils se retrouvaient pour faire mémoire de lui, de son enseignement, de ses miracles, de son procès et de sa mort. Et aussi pour se rappeler les uns aux autres l’envoi en mission qu’ils avaient reçu de lui.
Pour la fête de l’Ascension, nous est présenté chaque année liturgique le texte de saint Luc qui ouvre son Livre des Actes des apôtres.
Cher Théophile (qui aime Dieu),
dans mon premier livre, j’ai parlé de tout ce que Jésus a fait et enseigné,
depuis le moment où il commença,
jusqu’au jour où il fut enlevé au ciel, après avoir,
par l’Esprit Saint, donné ses instructions aux Apôtres qu’il avait choisis.
C’est à eux qu’il s’est présenté vivant après sa Passion ;
il leur en a donné bien des preuves, puisque, pendant quarante jours,
il leur est apparu et leur a parlé du royaume de Dieu.
Au cours d’un repas qu’il prenait avec eux,
il leur donna l’ordre de ne pas quitter Jérusalem,
mais d’y attendre que s’accomplisse la promesse du Père.
Il déclara : « Cette promesse, vous l’avez entendue de ma bouche :
alors que Jean a baptisé avec l’eau,
vous, c’est dans l’Esprit Saint que vous serez baptisés d’ici peu de jours. »
Ainsi réunis, les Apôtres l’interrogeaient :
« Seigneur, est-ce maintenant le temps
où tu vas rétablir le royaume pour Israël ? »
Jésus leur répondit : « Il ne vous appartient pas
de connaître les temps et les moments que le Père a fixés de sa propre autorité.
Mais vous allez recevoir une force quand le Saint-Esprit viendra sur vous ;
vous serez alors mes témoins à Jérusalem,
dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre. »
Après ces paroles, tandis que les Apôtres le regardaient,
il s’éleva, et une nuée vint le soustraire à leurs yeux.
Et comme ils fixaient encore le ciel où Jésus s’en allait,
voici que, devant eux, se tenaient deux hommes en vêtements blancs,
qui leur dirent : « Galiléens, pourquoi restez-vous là à regarder vers le ciel ?
Ce Jésus qui a été enlevé au ciel d’auprès de vous,
viendra de la même manière que vous l’avez vu s’en aller vers le ciel. »
Ac 1 1-11
En historien, Luc rappelle de manière brève dans quelles circonstances Jésus, après être apparu aux Apôtres a été « enlevé au ciel ». C’est à Jérusalem qu’il leur avait demandé de rester, écrit saint Luc. Curieusement, ils sont encore rivés à leur attente du moment où Jésus allait enfin accomplir son œuvre de Messie et rétablir le Royaume pour Israël. De nouveau, Jésus les prépare à une attente différente qu’ils allaient enfin comprendre. Il allait les quitter mais ils allaient recevoir une force quand le Saint-Esprit viendrait sur eux. Leur mission serait de témoigner de lui non seulement à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, à tous les groupes humains, sans discrimination, mais jusqu’aux extrémités de la terre. Puis ils l’ont vu s’élever, disparaître à leurs yeux. Ils sont restés fixer le ciel sans bien comprendre encore.
Les deux autres lectures de la Liturgie changent chaque année. En cette année A, nous lisons la finale de l’Évangile de saint Matthieu.
Les onze disciples s’en allèrent en Galilée,
à la montagne où Jésus leur avait ordonné de se rendre.
Quand ils le virent, ils se prosternèrent, mais certains eurent des doutes.
Jésus s’approcha d’eux et leur adressa ces paroles :
« Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre.
Allez ! De toutes les nations faites des disciples :
baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit,
apprenez-leur à observer tout ce que je vous ai commandé.
Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. »
Mt 28 16-20
La tradition présentée par saint Matthieu n’est pas la même que celle de saint Luc. Jésus avait dit aux femmes quittant le tombeau vide : « Soyez sans crainte, allez annoncer à mes frères qu’ils doivent se rendre en Galilée : c’est là qu’ils me verront. » (Mt 28, 10) L’envoi universel a lieu plus précisément sur « la montagne ». On se rappelle celle où le démon montrait à Jésus tous les royaumes de la terre, le mont des Béatitudes où le Maître proclamait la charte du Royaume et la montagne de la transfiguration où se manifesta la gloire du Fils de l’homme.
La foi progresse dans le groupe des Onze mais certains membres ont encore des doutes. Ce qu’ils ont vécu avec Jésus a été tellement inattendu ! C’est dans l’agir missionnaire auprès de toutes les nations que les disciples pourront vaincre leurs doutes. La mission consiste pour les disciples à susciter d’autres disciples, des hommes et des femmes qui suivent l’enseignement de Jésus. Sa parole transfigure leur propre existence. Ils partagent leur expérience avec les autres, « leur apprenant à garder tous les commandements » de Jésus qui se résument en sa loi d’amour.
Leur mission est sans cesse de former une communauté, celle de gens qui, par le rite du baptême, veulent enraciner leurs liens mutuels dans une commune appartenance « au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit » (v. 19). Cette formulation trinitaire est unique dans le Nouveau Testament. Elle parle du baptême « au nom de Jésus » ou « dans l’Esprit ». Cette triple dénomination s’inspire sans doute de la liturgie baptismale en vigueur dans l’Église de Matthieu. Celui-ci l’accepte volontiers et renvoie ainsi ses lecteurs à tout ce qu’ils ont appris du Père, du Fils et de l’Esprit. La dernière parole que Jésus adresse aux Onze, exprime le paradoxe de la foi chrétienne et du sens de l’Ascension. Au moment où Jésus les quitte, il leur dit qu’il est avec eux tous les jours jusqu’à la fin du monde. C’est d’une manière nouvelle qu’il sera désormais présent en eux et avec eux.
Saint Paul déploiera beaucoup d’énergie pour accompagner et exhorter les croyants qui vivent et témoignent de Jésus ressuscité à Éphèse, une grande ville païenne.
Frères, que le Dieu de notre Seigneur Jésus-Christ
ouvre à sa lumière les yeux de votre cœur,
pour que vous sachiez quelle espérance vous ouvre son appel,
la gloire sans prix de l’héritage que vous partagez avec les fidèles,
et quelle puissance incomparable il déploie pour nous, les croyants :
c’est l’énergie, la force, la vigueur qu’il a mise en œuvre dans le Christ
quand il l’a ressuscité d’entre les morts
et qu’il l’a fait asseoir à sa droite dans les cieux.
Il l’a établi au-dessus de tout être céleste :
Principauté, Souveraineté, Puissance et Domination,
au-dessus de tout nom que l’on puisse nommer,
non seulement dans le monde présent mais aussi dans le monde à venir.
Il a tout mis sous ses pieds et, le plaçant plus haut que tout,
il a fait de lui la tête de l’Église
qui est son corps, et l’Église, c’est l’accomplissement total du Christ,
lui que Dieu comble totalement de sa plénitude.
Ep 1 17-23
Jésus invite ses disciples à ne pas laisser s’éteindre sa lumière dans les yeux de leur cœur, à garder vive l’espérance qui les ouvre à son appel, à la gloire sans prix de l’héritage qu’ils ont à partager avec tous. Et pour tout cela, qu’ils rendent grâce pour la puissance incomparable, l’énergie, la force, la vigueur que Dieu a mise en œuvre dans le Christ quand il l’a ressuscité d’entre les morts, et qu’il l’a fait asseoir à sa droite dans les cieux. Paul ne parle pas d’une ascension de Jésus. Mais il proclame que Dieu l’a « établi » au-dessus de tout être céleste, et qu’il a fait de lui la tête de l’Église qui est son corps.
Evangile selon saint Matthieu – Mt 28, 16-20