Is 52, 13 – 53, 12 ; Ps 30 (31) ; He 4, 14-16 ; 5, 7-9 ; Jn 18, 1 – 19, 42
Frères et sœurs,
Comment se fait-il que le récit de la Passion de Jésus nous touche si profondément et que nous ne soyons jamais lassés de le réentendre chaque année ?
En fait, il rejoint beaucoup de choses que nous pouvons vivre nous-mêmes, ainsi que notre humanité.
Le Mystère de l’Incarnation, ce n’est pas seulement que Dieu se soit fait homme en Jésus, c’est aussi qu’il a enduré dans son corps humain de multiples souffrances, et ses souffrances rejoignent les nôtres et celles de notre humanité. « En fait, c’étaient nos souffrances qu’il portait, nos douleurs dont il était chargé », nous dit le prophète Isaïe.
Si je reprends le déroulement de la Passion…
Jésus a été trahi par un apôtre, Judas. Il rejoint ainsi tous ceux qui sont trahis dans leur amour ou dans leur amitié.
Jésus, lors de son arrestation, a pu ressentir dans sa chair l’angoisse de ce qui allait arriver. Son angoisse rejoint les angoisses que nous pouvons éprouver les uns et les autres par rapport à l’avenir. Que ce soit notre avenir personnel, celui de nos enfants, celui de notre humanité qui est marquée par les guerres, les famines, les grandes migrations, les tensions internationales qui sont très fortes en ce moment, ou encore l’angoisse relative à l’avenir de notre planète et aux nombreux défis que nous avons à relever pour la préserver.
Lors de son arrestation et de sa condamnation, Jésus a partagé l’injustice qui touche beaucoup de gens dans de nombreux pays (Afghanistan, Ukraine, Afrique centrale, Moyen-Orient…). Et il nous rejoint dans les injustices que nous pouvons subir nous-mêmes.
Lors du reniement de Pierre, Jésus a éprouvé la douleur de l’infidélité de son ami le plus proche, et il rejoint ainsi tous ceux qui sont victimes d’infidélité.
Lors de sa flagellation, Jésus a éprouvé dans sa chair la violence et la haine, rejoignant toutes les victimes de violence et de haine qui se manifestent actuellement ici ou là, et, semble-t-il, de manière plus forte.
Lorsque les soldats et la population de Jérusalem se sont moqués de lui, Jésus a éprouvé la souffrance des humiliations, rejoignant ainsi toutes les personnes qui sont humiliées moralement ou physiquement dans leur chair.
Lorsque Jésus est cloué et meurt sur la croix, il a éprouvé dans sa chair la mort dans les pires souffrances du supplice de la croix et il rejoint ainsi tous ceux qui meurent dans des souffrances physiques et morales et dans celles de leurs proches.
Et bien sûr, par sa mise au tombeau, il partage notre sort à tous, jusqu’au bout.
Frères et sœurs, ces souffrances éprouvées par Jésus dans sa chair, nous pouvons en être les victimes à un moment ou un autre de notre existence, mais nous pouvons aussi en être, parfois, les auteurs…
Nous pouvons nous reconnaître aussi en ceux qui trahissent, qui renient, qui sont infidèles, moqueurs, injustes… Le Seigneur nous rejoint, dans un cas comme dans l’autre.
Il nous rejoint dans nos souffrances pour les porter avec nous avec amour, nous donner la force et la paix qui nous permettent de les surmonter, et de nous ouvrir à l’Espérance. Le fait de savoir que Jésus a vécu tout cela et qu’il continue de porter nos souffrances est comme un rayon de lumière qui transperce la partie ténébreuse de nos vies et nous apporte un grand réconfort.
Mais il nous rejoint aussi dans nos infidélités à l’Évangile, lorsque nous sommes les auteurs de ses faits. « Le Seigneur a fait retomber sur lui nos fautes à nous tous. », dit encore Isaïe. « Le châtiment qui nous donne la paix a pesé sur lui : par ses blessures nous sommes guéris. » Jésus manifeste la puissance de son amour miséricordieux et la grâce de son pardon que nous recevons notamment dans les sacrements de l’initiation chrétienne, que les catéchumènes vont recevoir, mais aussi dans le sacrement de pénitence et de réconciliation qui renouvelle en nous la guérison baptismale ou encore dans le sacrement de l’Eucharistie et le sacrement des malades.
C’est pourquoi ce don de Jésus sur la Croix ouvre déjà à l’Espérance de la résurrection, à l’Espérance de sa victoire sur toutes les forces de mort. « Par lui, ce qui plaît au Seigneur réussira », nous dit Isaïe.
Frères et sœurs, avec Jésus, c’est la vie qui triomphe de toutes nos attitudes mortifères. Cette célébration exprime la ferveur de notre foi en Jésus, le Sauveur de notre humanité. Elle nous rappelle que Jésus a donné sa vie pour nous sauver et continue de donner sa vie pour chacun de nous.
Que ces jours saints nous aident à entrer dans ce grand Mystère de Dieu qui nous sauve par la mort et la Résurrection de Jésus. Amen.
† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon