Pâques, la Fête des Fêtes pour les baptisés passés de la mort à la vie, grâce au Christ passeur de ses frères humains vers le Père. À eux de vivre libres comme lui, de rester proches de lui chaque jour, et de se conduire en hommes et femmes de paix et de réconciliation. Vide est le tombeau, mais les témoins de leur rencontre avec le ressuscité sont remplis de joie. Quand nous célébrons la Pâque, nous sommes libérés de tout esclavage en la résurrection de Jésus notre frère et notre libérateur qui est sorti du tombeau et a vaincu la mort. “En se relevant lui-même, il a ressuscité tous les hommes “(Saint Pierre Chrysologue, 5e s.). A nous de vivre libres comme lui.
En son Fils, Dieu s’est fait proche de nous. A nous de rester proches de lui aujourd’hui, et de nous conduire en réconciliés, en pardonnés. Vide est le tombeau, mais remplis de joie sont les témoins de leur rencontre avec le ressuscité ! Des femmes sont les premières à qui il se manifeste « ressuscité », à qui il parle et demande d’annoncer sa résurrection. Puisque nous lisons cette année l’Évangile selon saint Matthieu, nous pouvons reprendre en ce dimanche de Pâques, son récit proclamé lors de la vigile Pascale.
Après le sabbat, à l’heure où commençait à poindre le premier jour de la semaine,
Marie Madeleine et l’autre Marie vinrent pour regarder le sépulcre.
Et voilà qu’il y eut un grand tremblement de terre ;
l’ange du Seigneur descendit du ciel, vint rouler la pierre et s’assit dessus.
Il avait l’aspect de l’éclair, et son vêtement était blanc comme neige.
Les gardes, dans la crainte qu’ils éprouvèrent,
se mirent à trembler et devinrent comme morts.
L’ange prit la parole et dit aux femmes :
« Vous, soyez sans crainte ! Je sais que vous cherchez Jésus le Crucifié.
Il n’est pas ici, car il est ressuscité, comme il l’avait dit.
Venez voir l’endroit où il reposait.
Puis, vite, allez dire à ses disciples :
“Il est ressuscité d’entre les morts, et voici qu’il vous précède en Galilée ;
là, vous le verrez.” Voilà ce que j’avais à vous dire. »
Vite, elles quittèrent le tombeau, remplies à la fois de crainte et d’une grande joie,
et elles coururent porter la nouvelle à ses disciples.
Et voici que Jésus vint à leur rencontre et leur dit : « Je vous salue. »
Elles s’approchèrent, lui saisirent les pieds et se prosternèrent devant lui.
Alors Jésus leur dit : « Soyez sans crainte,
allez annoncer à mes frères qu’ils doivent se rendre en Galilée :
c’est là qu’ils me verront. »
Tandis qu’elles étaient en chemin, quelques-uns des gardes allèrent en ville annoncer aux grands prêtres tout ce qui s’était passé.
Mt 28, 1-10
Mathieu raconte que ce sont les femmes-disciples de Jésus qui accueillirent les premières l’annonce de sa résurrection. Elles avaient été les dernières au pied de la Croix, et les voilà premières au tombeau, à l’aube du premier jour de la semaine. Accompagnatrices obstinées de la vie qui s’achève et perdure au-delà du tombeau, et de la vie qui commence aux frémissements de l’aurore, aux premières lueurs des premiers jours… Gardiennes de l’espérance et de la tendresse dans un monde dur et sans pitié. Aux uns les fusils et les chars, aux autres les langes et les linceuls. Aux uns les rigidités légalistes, les condamnations à mort, les froides exécutions, aux autres les combats pour la vie, la paix et la tendresse.
Après la mort d’un proche ou d’un ami, nous agissons comme ces deux femmes qui s’en vont visiter le tombeau de Jésus. Toutes deux s’appellent Marie. L’une est de Magdala. Jésus avait chassé d’elle sept démons, a écrit saint Marc. La personne de l’autre reste imprécise en saint Matthieu. À leur arrivée au tombeau, elles sont témoins d’une manifestation semblable à celles du Premier Testament : tremblement de terre, éclairs de lumière, intervention d’un ange qui vient rouler la pierre du tombeau et s’assoit dessus. Elles seront les premières à découvrir le tombeau vide, et réagissent de manières diverses : étonnement, mouvements d’incrédulité et de peur. L’ange de la résurrection a roulé la pierre sous leurs yeux et ceux des gardes, et il s’est assis dessus. Quelle image forte ! Dieu se rit des principes et des prisons, des forteresses et des tombeaux. Son messager s’assoit sur la pierre roulée comme sur un trône, celui du prince de la vie.
L’ange leur montre le tombeau vide et leur déclare que Jésus est ressuscité et donne rendez-vous à ses disciples en Galilée. C’est là que tout avait commencé, c’est là encore que survient un nouveau commencement. Désormais ce n’est pas dans des temples qu’il faut chercher le Christ, mais dans la Galilée des nations. Ce pays de l’ombre et de la mort où Jésus a commencé sa mission est désormais pays de lumière et de vie. « Allez donc, de toutes les nations faites des disciples », dira à ses disciples Jésus ressuscité. « Baptisez-les au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit, et apprenez-leur à garder tout ce que je vous ai prescrit. Et voici que je suis avec vous pour toujours jusqu’à la fin des temps. (Mt 28, 18-20)
Pour les gardes, chargés de veiller sur le tombeau, son ouverture est un ébranlement. Si Dieu et ses anges donnent raison à un crucifié – c’est-à-dire à un maudit –, le libèrent de la mort et le glorifient, il y a de quoi avoir peur. Les gardes sont bouleversés devant l’ange de la résurrection qui proclame aux femmes que Jésus est vivant. Devant la puissance d’amour qui jaillit du cœur de Dieu, celle-là même qui s’est manifestée en Jésus, les hommes resteront toujours impuissants. Ils ne sauraient, quelles que soient leurs rages destructrices, bornées, guerrières, l’empêcher de surgir. Son amour est une source intarissable, inépuisable qu’il n’est pas dans le pouvoir de l’homme d’emprisonner, d’emmurer.
L’ange de la résurrection assis sur la pierre roulée du tombeau est messager d’espérance. Il terrorise les guerriers mais il rassure les femmes. Et il leur confie une mission, « angélique », « évangélique ». À elles d’être premières messagères de la Bonne Nouvelle. Nous faisons souvent référence à « nos pères dans la foi ». Ce sont « nos mères dans la foi en la résurrection du Christ » qu’il nous convient d’honorer en cette fête de Pâques. À l’aube du premier jour de la semaine, elles sont les premières à qui se manifeste et adresse directement la parole, Jésus ressuscité. « Il vient à leur rencontre et leur dit : « Je vous salue. » Elles s’approchent, lui saisissent les pieds et se prosternent devant lui ».
Dans le récit des Actes des Apôtres, Luc écrit que Pierre, après bien des atermoiements et des réticences, a quitté le monde des juifs pour plonger en celui des païens et « se déplacer continuellement » (Ac 9, 32), obéissant ainsi au commandement reçu du Ressuscité. À Césarée, il rencontre un centurion de l’armée romaine. Ce soldat païen devenu croyant en Jésus invite Pierre à lui rendre visite. Entré dans sa maison, trouvant beaucoup de gens réunis, Pierre adresse à tous un témoignage et en même temps une catéchèse baptismale.
Quand Pierre arriva à Césarée chez un centurion de l’armée romaine,
il prit la parole et dit :
« Vous savez ce qui s’est passé à travers tout le pays des Juifs,
depuis les commencements en Galilée, après le baptême proclamé par Jean :
Jésus de Nazareth, Dieu lui a donné l’onction d’Esprit Saint et de puissance.
Là où il passait, il faisait le bien et guérissait
tous ceux qui étaient sous le pouvoir du diable, car Dieu était avec lui.
Et nous, nous sommes témoins de tout ce qu’il a fait
dans le pays des Juifs et à Jérusalem.
Celui qu’ils ont supprimé en le suspendant au bois du supplice,
Dieu l’a ressuscité le troisième jour. Il lui a donné de se manifester,
non pas à tout le peuple, mais à des témoins que Dieu avait choisis d’avance,
à nous qui avons mangé et bu avec lui après sa résurrection d’entre les morts.
Dieu nous a chargés d’annoncer au peuple
et de témoigner que lui-même l’a établi Juge des vivants et des morts.
C’est à Jésus que tous les prophètes rendent ce témoignage :
Quiconque croit en lui reçoit par son nom le pardon de ses péchés. »
Ac 10, 34a.37-43
La résurrection de Jésus ne se comprend pour Pierre que dans le contexte de l’histoire que les apôtres ont vécue avec lui. Ils ont été témoins de sa « Pâque », de son passage au milieu de ses frères et sœurs en humanité en faisant le bien, en guérissant, en chassant les esprits mauvais et surtout en faisant œuvre de pardon, de réconciliation, de résurrection en toute personne qui croyait en lui. Pierre évoque aussi comme Matthieu ce qu’ont fait les responsables religieux. Ils ont pendu Jésus au bois du supplice et considéré comme dangereux cet homme qui bousculait les ordres établis, qui abattait les murs de ségrégation. Ils ont scellé le tombeau, mis des gardes pour le surveiller.
La résurrection de Jésus se manifeste dans le témoignage de vie que lui rendent ses disciples à tout moment de l’histoire. Ne nous contentons pas de penser : Jésus est ressuscité, et donc nous sommes sauvés. Ce n’est pas le mot « fin » qu’il nous faut inscrire en nos cœurs, mais « commencement » et « renouveau ». Tremblants et joyeux comme les femmes, soyons porteurs et acteurs d’Évangile, témoins de résurrection comme Pierre chez le païen. Paul s’adressant aux Corinthiens les invite à la joie de Pâque.
Frères, ne savez-vous pas qu’un peu de levain suffit
pour que fermente toute la pâte ?
Purifiez-vous donc des vieux ferments,
et vous serez une pâte nouvelle,
vous qui êtes le pain de la Pâque, celui qui n’a pas fermenté.
Car notre agneau pascal a été immolé : c’est le Christ.
Ainsi, célébrons la Fête, non pas avec de vieux ferments,
non pas avec ceux de la perversité et du vice,
mais avec du pain non fermenté, celui de la droiture et de la vérité.
1 Co 5, 6b-8
Evangile selon saint Matthieu – Mt 28, 1-10