1S 16, 1b.6-7.10.13a ; Ps 22 ; Ep 5, 8-14 ; Jn 9, 1-41
Homélie retranscrite à partir d’un enregistrement
Frères et sœurs,
« Serions-nous des aveugles, nous aussi ? » c’est la question que posent les pharisiens à Jésus, mais il me semble que nous pouvons nous aussi nous la poser, « Serions-nous des aveugles nous aussi ? »
C’est même une bonne question à se poser en ce temps de Carême. Il est vrai que nous pouvons avoir une vie chrétienne authentique, régulière. Mais nous pouvons aussi ressentir de la lassitude et finalement conduire notre vie à l’aveuglette, c’est-à-dire en étant incapables d’accueillir vraiment le don de Dieu.
Pour Jésus, qu’est-ce qu’être aveugle ? Évidemment, nous pensons à l’aveuglement du péché et il y fait référence dans sa dernière phrase. Dans ce passage, Jésus utilise cette image de la vue physique pour faire comprendre ce que doit être notre vie spirituelle qui se fonde sur la foi, la foi en Lui, le reconnaître comme le Sauveur des Hommes. Il y a une méditation de saint Théophile d’Antioche, un Père de l’Église du deuxième siècle, qui utilise une belle image et qui distingue les yeux du corps et les yeux de l’âme. Un aveugle physique ne voit pas la lumière du soleil, et pourtant cette lumière existe ; un aveugle de l’âme ne voit pas la lumière du Christ et pourtant, elle existe !
Qu’est-ce qui peut empêcher les yeux de l’âme, de voir la lumière du Christ ?
Jésus dit : « Du moment que vous dîtes, “nous voyons”, votre péché demeure. » Et je pense à ce que nous avons entendu tout à l’heure avec Christian TOULLEC : LAUDATO SI’ est un bon exemple avec l’attitude de l’Homme par rapport à la Création. L’encyclique LAUDATO SI’ nous ouvre les yeux à la lumière des Écritures sur les défis de l’écologie intégrale. Or, dans le contexte actuel, nous pouvons avoir l’illusion de croire que nous possédons la vérité, à l’image des pharisiens, et dans ce cas, nous sommes incapables d’accueillir le témoignage et la Parole du Christ. Et ne pas accueillir la Parole du Christ, c’est demeurer dans son péché, demeurer aveugle, car Lui seul peut nous en délivrer. Nous faisons alors obstacle à la Parole de Dieu, à la grâce de Dieu qui nous est donnée. Les yeux de notre âme deviennent aveugles. La claire vision de l’âme, c’est de reconnaître que Jésus est la vérité et de connaître par lui, quelle est la volonté de Dieu dans notre existence.
Alors, comment accueillir pour nous cette Parole du Christ ? « Serions-nous donc aveugles, nous aussi ? » Posons-nous vraiment la question à partir de quelques critères. J’en retiens trois.
D’abord, l’aveugle de l’Évangile nous dit : « et qui est-il Seigneur, pour que je croie en lui ? » C’est un acte d’humilité, car il reconnaît, contrairement aux pharisiens, qu’il ne connaît pas le Christ et il reste ouvert à ce que Jésus va lui dire. L’humilité est une attitude essentielle pour pouvoir progresser vers la vérité, pour reconnaître que nous ne la possédons pas et qu’elle nous est révélée par le Christ et donc qu’il nous est nécessaire de l’accueillir comme une grâce.
La difficulté actuelle, c’est que la vérité est relativisée. On nous dit « à chacun sa vérité » et « il faut être tolérants ». Être tolérant, c’est accepter la vérité de l’autre. Mais, s’il n’y a pas de discernement, si cette vérité n’est pas fondée sur le Christ, alors qu’est-ce que cette vérité ? Comme le dit Jésus dans un autre passage d’Évangile, « un aveugle peut-il guider un autre aveugle ? Ne vont-ils pas tomber tous les deux dans un trou ? » (Lc 6, 39). C’est cela marcher à l’aveuglette : chacun est son propre juge et n’est plus capable de reconnaître ce qui est bien ou mal, ce qui est mauvais ou bien pour lui, pour son couple, pour ses enfants, sa famille ou pour le bien commun. « Du moment que vous dîtes, “nous voyons”, votre péché demeure. », dit Jésus. Donc cet appel à l’humilité me paraît très important : « Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu. »
Le deuxième critère, c’est le témoignage que donne l’aveugle en disant ce que le Christ a fait pour lui : « Je vous l’ai déjà dit, et vous n’avez pas écouté ». Il est très important de témoigner nous aussi ! Quelle place a le témoignage dans notre vie chrétienne ? Nous devons témoigner, comme l’aveugle, et être capables de dire aux gens comment nous avons été touchés par le Christ, comment nous avons été guéris, sauvés par Lui. Nous voyons d’ailleurs dans ce passage d’Évangile que, peu à peu, à force de témoigner, l’aveugle grandit dans sa foi. Le témoignage que nous donnons de notre foi, nous aide nous aussi à grandir dans la foi. Et pour donner un bon témoignage, il nous faut nous interroger sur la place que nous donnons à la méditation et à l’écoute de la parole de Dieu, au silence et à la prière dans notre emploi du temps. Les Équipes Notre-Dame ont cette richesse de nous obliger à nous asseoir, et je trouve cela très important, car c’est cela qui nous permet de nous mettre à l’écoute de son conjoint et de nous ouvrir ainsi à ce que Dieu attend de nous. Et le devoir de s’asseoir, c’est aussi avec le Seigneur !
Le troisième critère, c’est la formation, qui est importante, car elle nous permet de mieux connaître les fondements de notre foi. « Le disciple n’est pas au-dessus du maître ; mais une fois bien formé, chacun sera comme son maître. » (Lc 6, 40) En nous formant, nous arrivons à mieux savoir ce que le Seigneur attend de nous. Nous avons tous à nous former dans la vie chrétienne : vous comme moi, l’évêque, comme les prêtres et les diacres. Bien sûr, la formation est à adapter selon notre activité et notre disponibilité, par exemple en lisant un ouvrage bien choisi qui nous aide à grandir dans la foi, ou en suivant un parcours comme le parcours de catéchèse adulte « En chemin avec Jésus-Christ », ou encore au travers de l’Institut ou du Parcours Fondamental de Théologie. Il y a également les réunions que vous avez en Équipes Notre-Dame qui sont déjà des moments de formation. Sans oublier les sessions comme la journée que vous venez de vivre avec une réflexion sur l’encyclique LAUDATO SI’. Tout cela nous permet d’ouvrir les yeux de notre âme ! À chacun de voir ce qui lui convient actuellement, mais la formation continue de la foi est nécessaire pour voir clair dans un monde qui nous déroute et qui est, sous certains aspects, très obscur.
Je termine avec cette phrase de saint Théophile d’Antioche : « montre donc comment les yeux de ton âme regardent, et comment les oreilles de ton cœur écoutent. […] si tu comprends cela et si ta vie est pure, pieuse et juste, tu peux voir Dieu. » Amen.
† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon