Quand le premier jour de l’an tombe un dimanche, l’Église fête la solennité de Marie, Mère de Dieu. C’est aussi le jour des souhaits mutuels de bonne année et enfin la journée mondiale de la paix. Bref, trois couleurs que les textes liturgiques prennent en compte. En ce premier jour de l’année nouvelle, nous bénissons Sainte Marie, pleine de grâce, mère de Dieu et de l’Eglise. L’évangile de cette fête conclut le récit de Noël dont nous célébrons aussi le jour octave.
Lorsque les anges eurent quitté les bergers pour le ciel,
ceux-ci se disaient entre eux :
« Allons jusqu’à Bethléem pour voir ce qui est arrivé,
l’événement que le Seigneur nous a fait connaître. »
Ils se hâtèrent d’y aller, et ils découvrirent Marie et Joseph,
avec le nouveau-né couché dans la mangeoire.
Après avoir vu, ils racontèrent ce qui leur avait été annoncé au sujet de cet enfant.
Et tous ceux qui entendirent s’étonnaient de ce que leur racontaient les bergers.
Marie, cependant, retenait tous ces événements et les méditait dans son cœur.
Les bergers repartirent ; ils glorifiaient et louaient Dieu pour tout ce qu’ils avaient entendu et vu, selon ce qui leur avait été annoncé.
Quand fut arrivé le huitième jour, celui de la circoncision,
l’enfant reçut le nom de Jésus, le nom que l’ange lui avait donné avant sa conception.
Luc 2, 16-21
Dans le récit de la naissance de Jésus en saint Luc, les premiers à reconnaître Jésus comme Sauveur et Messie ont été les bergers. Ils ont été aussi les premiers messagers de la naissance de Dieu. Ils n’ont pas été étonnés de reconnaître cet enfant comme l’un des leurs, comme le berger de toute humanité, dont la mission serait d’être le bon pasteur.
Vivant en plein air, sans portes ni fenêtres ils furent les premiers à entendre le chant des anges, les premiers à entrer à pas feutrés dans le refuge de l’âne et du bœuf et de l’enfant-Dieu qui sommeillait comme un bienheureux, entouré de sa mère et de son père. Nomades, gens de migrations et de voyages, exclus du monde des purs mais bergers au cœur tendre, pasteurs toujours aux aguets, accoucheurs de brebis, défenseurs des agneaux sans défense, ils furent les premiers à reconnaître en ce premier-né de la Vierge Marie le Fils du Dieu de l’Univers se présentant à eux comme un agneau fragile, comme celui qui venait pour enlever le péché du monde.
Nous fêtons aujourd’hui Marie, bénie entre toutes les femmes, mère de Jésus, le fruit béni de ses entrailles, le Fils de Dieu. L’Église associe deux expressions pour appeler Marie : pleine de grâce et mère de Dieu. Des expressions audacieuses mais aussi respectueuses et profondes. Il ne s’agit surtout pas de la considérer comme une déesse. Elle est la mère de Jésus de Nazareth le crucifié, mais aussi du sauveur et du ressuscité assis à la droite du Père. De plus nous la considérons comme notre mère. « Voici ta mère » avait dit Jésus au disciple bien-aimé. Cette parole, nous l’entendons comme adressée à chacune et chacun. Jésus nous invite à la « prendre avec nous ».
Deux allusions discrètes à Marie dans les textes de ce dimanche. D’abord Saint Paul, de manière très brève et discrète ne la nomme pas mais affirme qu’une femme a donné naissance au Fils de Dieu. Dans les récits concernant l’enfance de Jésus, en saint Luc, Marie est très présente. Saint Luc souligne toujours sa modestie, son humilité, sa discrétion et surtout l’importance de son rôle dans l’histoire du salut. Elle est gardienne première et dernière de la mission de son Fils, depuis sa conception, l’inauguration de son œuvre de salut aux noces de Cana, et plus tard, de sa crucifixion et de sa mort.
« Marie retenait tous ces événements et les méditait dans son cœur », écrit saint Luc. La traduction littérale du verbe « méditait » dans le texte grec serait elle « symbolisait », (le symbole signifie le sens venant de plusieurs éléments tenus ensemble). Tous les événements qu’elle a vécus depuis l’Annonciation ont été pour elle étonnants, inattendus, y compris sans doute cette visite des bergers. D’autres choses surviendront encore jusqu’à l’âge adulte de son Fils, puis durant ses activités prophétiques et messianiques jusqu’à la Croix. Comment comprendre le sens de tout cela ? Pourquoi elle ? Il lui a fallu accomplir un chemin spirituel très fort et très éprouvant, et en même temps elle s’en est émerveillée. Elle est pour nous la mère des croyants. Son oui, « que tout se passe pour moi selon ta parole », elle l’a répondu à l’ange de l’Annonciation, avant de savoir ce qui allait survenir, et elle a eu à le redire en suivant son fils et en vivant ce qui allait lui arriver de manière inattendue. Ce qui est vrai pour toutes les mamans, l’a été pour elle de manière tellement plus forte !
C’est une bonne occasion en ce premier Janvier, de consacrer notre réflexion à une dimension importante de la vie et de la foi : le souhait. C’est le jour des vœux du premier de l’an et des jours qui vont suivre. Nous en échangerons, des vœux, tous ces premiers jours de l’an nouveau, des « Bennoz Doue et des Bloavez mad » ! » Des souhaits des plus banals au plus chaleureux, remplis de joie ou d’appréhension suivant les cas, suivant notre relation aux personnes, suivant les situations où elles se trouvent, les épreuves qu’elles traversent, les espoirs qui les habitent, suivant ce que nous vivons nous-mêmes, au moment où s’ouvre dans notre vie, dans notre monde, la page blanche d’une année nouvelle. Qu’en sera-t-il de cette année nouvelle ?
Les souhaits et les vœux sont une forme de prière. Ce sont des bénédictions, car on ne se souhaite les uns aux autres que du bien : elles nous décentrent par rapport à nous-mêmes pour nous tourner vers les autres, leur souhaiter du bonheur, de bonnes choses : santé, amour, consolation, guérison, paix, réussite de leurs projets. Les vœux donnent lieu à un échange, une réciprocité. Quand ils sont vécus de manière authentique et non comme des formalités, il y a don et réception, bénédiction de l’autre et réception d’une bénédiction de sa part. Se bénir et se souhaiter du bien les uns aux autres, n’est-ce pas une belle manière de s’aimer ?
La liturgie de ce dimanche nous invite à un regard de foi sur nos vœux, à les placer sous le signe de la bénédiction de Dieu. Il est, en effet, par excellence, celui qui bénit et jamais ne maudit (« Ils maudissent, toi tu bénis » ps 108, 28). Il souhaite à chacun et à chacune paix et bonheur. Ses vœux ne sont pas des vœux pieux, comme on dit, des vœux irréalistes. Ce qu’il souhaite il peut le réaliser, car il est créateur de vie, d’amour et de paix. Voilà pourquoi les croyants adressent les uns aux autres leurs vœux de la part de Dieu (de la part-Dieu). Dans le texte du livre des Nombres de ce dimanche, Dieu confie à Moïse et Aaron, c’est-à-dire aux responsables de son peuple, d’être pour celui-ci les serviteurs de sa bénédiction.
Le Seigneur parla à Moïse. Il dit :
« Parle à Aaron et à ses fils.
Tu leur diras : Voici en quels termes vous bénirez les fils d’Israël :
“Que le Seigneur te bénisse et te garde !
Que le Seigneur fasse briller sur toi son visage, qu’il te prenne en grâce !
Que le Seigneur tourne vers toi son visage, qu’il t’apporte la paix !”
Ils invoqueront ainsi mon nom sur les fils d’Israël, et moi, je les bénirai. »
Nb 6, 22-27
Une magnifique formule de vœu de la part de Dieu pour son peuple. Il associe son nom, son être même, à cette bénédiction. Bénir en son nom de cette manière, c’est prononcer son nom sur son peuple, pour son peuple. Et son nom est associé à son visage qui se tourne et s’illumine dans un regard bienveillant vers celui qui reçoit la bénédiction. Bienveillance et bénédiction sont en effet sœurs jumelles. Elles s’accomplissent et se réalisent dans le don de la paix, bienfait de Dieu par excellence.
En ce dimanche qui est l’octave de Noël, l’Eglise reprend à son compte ces prières du premier Testament. Elle fait mémoire de la naissance du Christ, don de Dieu et fruit de la terre des hommes, et dimanche prochain elle fêtera le voyage des mages et leur visite rendue à Jésus et à sa mère. Ils représentent l’adoration de la terre entière, venue de loin adorer le Dieu qui a tant aimé et béni les hommes, qu’il s’est fait l’un des leurs.
Pour cette année qui commence, prions ardemment le Christ prince de la Paix qui est venu présenter à tous les peuples des vœux de paix. Que son Esprit agisse dans les cœurs pour que les peuples de notre petite planète fassent taire leurs armes en 2023, arrêtent d’en fabriquer et d’en faire commerce. Qu’ils se souhaitent mutuellement des vœux de paix au lieu de s’entre-déchirer. Tous les enfants des hommes sont aussi des enfants de Dieu, comme rappelle Paul.
Mais lorsqu’est venue la plénitude des temps,
Dieu a envoyé son Fils, né d’une femme et soumis à la loi de Moïse,
afin de racheter ceux qui étaient soumis à la Loi
et pour que nous soyons adoptés comme fils.
Et voici la preuve que vous êtes des fils :
Dieu a envoyé l’Esprit de son Fils dans nos cœurs,
et cet Esprit crie « Abba ! », c’est-à-dire : Père !
Ainsi tu n’es plus esclave, mais fils,
et puisque tu es fils, tu es aussi héritier : c’est l’œuvre de Dieu.
Ga 4, 4-7
Le psaume 66 de ce dimanche prolonge ce texte, dont la formulation peut inspirer notre manière de nous souhaiter une bonne année, de nous bénir les uns les autres. Qu’il nourrisse notre prière de cette journée mondiale de la paix.
Que Dieu nous prenne en grâce et nous bénisse,
Que ton visage s’illumine pour nous ;
Et ton chemin sera connu sur la terre,
ton salut parmi toutes les nations
Que les peuples, Dieu te rendent grâce ;
qu’ils te rendent grâce tous ensemble.
Cette première strophe du psaume 66 exprime le souhait du peuple d’Israël pour lui-même : il est l’expression de sa vocation de peuple élu. Israël n’est pas élu à l’exclusion des autres peuples, mais choisi pour faire connaître à toutes les nations de la terre qu’il est le Dieu créateur, le Dieu de l’Alliance : Dieu de la paix, qui est bénédiction et grâce, un Dieu bienveillant qui présente aux humains un visage lumineux et souriant, un Dieu qui a fait don d’une Loi, un chemin de bonheur pour l’humanité, un Dieu sauveur et fidèle, miséricordieux qui libère, accompagne, relève, pardonne. La deuxième strophe exprime un souhait qui concerne toutes les nations, et le monde entier, la terre tout entière :
Que les nations chantent leur joie,
car tu gouvernes le monde avec justice
tu gouvernes les peuples avec droiture,
sur la terre tu conduis les nations
Toutes les nations sont invitées à la joie et à la louange, face à un Dieu qui exerce sa gouvernance avec justice, avec droiture, qui n’est pas retors, jaloux, vengeur, complaisant, mercantile comme les divinités idolâtres que les humains peuvent se fabriquer à leur image, à leurs rêves de domination. Justice, droiture, deux aspects de la vie sociale sans lesquelles la paix est impossible. La dernière strophe du psaume invite Israël à bénir, face à l’avenir, mais en se souvenant des bénédictions déjà reçues.
La terre a donné son fruit.
Dieu, notre Dieu, nous bénit.
Que Dieu nous bénisse
et que la terre toute entière l’adore !
Que les peuples, Dieu te rendent grâce ;
qu’ils te rendent grâce tous ensemble.
Evangile selon saint Luc – Lc 2, 16-21