Homélie retranscrite à partir d’un enregistrement
Chers Amis,
« Près de la croix de Jésus se tenait sa mère » nous dit St Jean. Marie n’était pas seule. Avec elle, il y avait d’autres femmes et aussi le disciple que Jésus aimait, mais pas les autres Apôtres qui étaient pourtant les plus proches du Seigneur. Pourquoi sont-ils absents ? Nous ne le savons pas avec certitude, mais sans doute avaient-ils peur d’être arrêtés, ou de mourir, ou encore de ne pas pouvoir supporter la vue de Jésus en agonie, ne s’en sentant pas capables.
Marie, quant à elle, ne s’écarte pas de la souffrance. D’une certaine manière, elle partage la souffrance de son fils. Comme Siméon le disait au moment de la présentation de Jésus au temple : « Une épée te transpercera l’âme. » (Lc 2, 35).
Oui, près de la Croix de Jésus se tenait sa mère, et je trouve cette attitude très parlante dans le contexte dans lequel nous vivons actuellement, où beaucoup de gens partagent la souffrance du Christ en croix.
Comme nous avons pu le constater en arrivant à Lourdes : les hôtels, les boutiques sont fermés. Partout de nombreuses personnes sont sans travail et sont angoissées pour leur avenir. Les malades (dont la plus grande souffrance, actuellement, est certainement d’être enfermés chez eux sans pouvoir avoir de visites), ceux qui les soignent. Des personnes aussi qui ont peur du virus, qui sont recluses chez elles et s’isolent ; faisant l’expérience de la solitude.
Plus largement, je dirais que c’est notre monde qui souffre et pas seulement de la COVID : les guerres, les migrations massives et toutes les causes du réchauffement climatique, les incendies d’un côté, les inondations de l’autre, le terrorisme et puis nos sociétés qui sont un peu perdues par rapport à la vérité et qui ne savent plus discerner quelle est le bien commun.
Plus que jamais, la parole de Saint-Paul dans la Lettre aux Romains semble d’actualité, lorsqu’il dit : « La création tout entière gémit dans les douleurs d’un enfantement qui dure encore. » « Et nous aussi, ajoute Saint-Paul, nous gémissons en nous-mêmes en attendant l’adoption la rédemption de notre corps. » Rm 8, 22-23
Marie se tient au pied de la croix de notre humanité, au pied de nos croix personnelles. Son âme est transpercée, mais elle est là. Elle a bravé la peur, elle n’a pas déserté. À travers la peur des apôtres, nous pouvons peut-être reconnaître nos propres peurs face à la souffrance de notre humanité.
Ces peurs se manifestent de différentes manières aujourd’hui : par certaines tensions, de l’agressivité même (je pense à ceux par exemple qui se battent pour se faire tester avant les autres dans les files d’attente ; à la tension par rapport aux gestes barrières qui se sont imposés et que certains refusent pendant que d’autres en rajoutent). Dans l’Église aussi, nous sentons certaines tensions, en particulier pour la liturgie et la peur de la messe, puisque 1/3 des pratiquants habituels ne viennent pas à la messe par peur du virus. La période est difficile à vivre pour tous. Nous risquons nous-mêmes d’entretenir ces tensions, en particulier sur les réseaux sociaux qui les diffusent largement et que nous-mêmes pouvons aussi rediffuser.
La Vierge Marie, aujourd’hui, nous montre un autre chemin. Près de la croix se tenait Marie.
Tout d’abord, cette attitude de Marie nous invite à surmonter nos peurs en ravivant notre foi et notre espérance. Le message de la vierge Marie à Lourdes « Pénitence, pénitence. Priez pour les pêcheurs » reste d’actualité. Notre prière doit être encore plus forte en ces temps difficiles. Il est nécessaire de prier pour ceux qui, dans le monde entier, souffrent, mais aussi pour ceux qui font souffrir. C’est Jésus qui nous le demande. Cette prière ne change pas Dieu, c’est lui qui nous change, en nous rendant capables de compassion comme celle que la Vierge Marie a manifestée au pied de la croix. Saint-Paul dit : « Je suis plein de gratitude envers celui qui me donne la force, le Christ Jésus notre Seigneur. La grâce de notre Seigneur a été encore plus abondante avec la foi et avec l’amour qui est dans le Christ Jésus. »
Ensuite, la deuxième attitude de Marie, c’est de se tenir près de la croix. Comme Marie, il nous faut nous faire proches de ceux qui souffrent. N’allons pas chercher bien loin : c’est la proximité qui compte ! Dans nos familles, nos voisins, nos proches, ceux qui vivent des deuils éprouvants, ceux qui sont isolés aussi en cette période : quelquefois un mot, une petite carte, un message, une amitié tout simplement les relèvent. Quand on se tourne vers les autres, on se détourne de ses problèmes et de ses propres peurs et angoisses. Dans la parabole du bon Samaritain où l’on reconnaît la figure de Jésus, cet homme bon ne s’est pas détourné, il ne s’est pas tenu à distance de l’homme blessé, mais au contraire, il s’en est approché, et a pris soin de lui. C’est ce que Jésus fait pour nous et il nous invite aussi à faire de même.
Enfin, en se tenant près de la croix, Marie témoigne de son amour, mais aussi de son espérance : Jésus ressuscitera ! Elle ne sait sans doute pas encore à quel moment ni comment cela se passera, mais comme Marthe (Cf. Jn 11, 21-22), elle croit à la victoire de Jésus sur le mal et sur la mort. Nous aussi, témoignons de notre espérance en cette période anxiogène. Ne diffusons pas nous-mêmes cette angoisse. Le mal existe, il est là, sous de multiples formes. La mort est là, aussi, bien sûr, mais Marie est bien près de la croix de Jésus. Lui-même a pris sur lui cette souffrance et la détresse des disciples. Sa résurrection et la promesse de son avènement nous donnent la joie de l’espérance.
Que cette joie jaillisse en nous et par notre intermédiaire et notre témoignage, qu’elle rejaillisse aussi vers les autres. Amen
† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon