Homélie retranscrite à partir d’un enregistrement
Frères et Sœurs,
Les textes de la liturgie de ce jour nous font méditer sur le témoignage de notre foi, en particulier dans un monde incroyant, voire hostile. Dans certains pays, nous le voyons bien encore aujourd’hui, il y a des persécutions parfois violentes. Dans notre pays, en France, c’est différent, mais nous voyons se développer une laïcité qui est de plus en plus restrictive, qui n’est certes pas généralisée, mais tout de même très militante. Il y a aussi la sécularisation de la société que nous constatons parfois à l’intérieur même de nos familles. Cette opposition, cette résistance à l’Évangile à laquelle nous sommes confrontés, n’est pas nouvelle puisque Jésus et les apôtres, et même les prophètes avant eux, ont subi l’incrédulité et même l’hostilité : « moi, Jérémie, j’entends les calomnies de la foule. » dit le prophète dans la première lecture.
Comme dit Saint-Paul, « la mort a établi son règne. » La mort, c’est-à-dire tout ce qui s’oppose à Dieu et à son dessein. Et cette opposition continuera jusqu’à la Parousie, car le péché habite tout être humain et Satan nous induit en erreur.
Nous ne pouvons pas échapper à cela, le Christ lui-même a dû passer par cette épreuve. Cependant, Saint-Paul ajoute : « si la mort a frappé la multitude par la faute d’un seul (qu’il impute à Adam), combien plus la grâce de Dieu s’est-elle répandue en abondance sur la multitude, cette grâce qui est donnée en un seul homme, Jésus-Christ. » De fait, le Christ par sa Parole de vie, par le don de sa vie par amour, par sa mort et sa résurrection, mais aussi par le don de son Esprit, a totalement changé la donne. Sa victoire est désormais inéluctable et elle trouvera son plein accomplissement à la Parousie, c’est-à-dire à l’avènement glorieux du Christ. Mais, dès maintenant, même si nous sommes encore dans le temps des persécutions, cette grâce nous est donnée et elle nous donne la force de nous engager : « quand on vous livrera, nous dit Jésus, ne vous inquiétez pas de savoir ce que vous direz, ni comment vous le direz… ce n’est pas vous qui parlerez, c’est l’Esprit de votre Père qui parlera en vous. » (Mt 10, 19-20)
C’est ainsi que le Seigneur nous donne tout ce qu’il nous faut pour vivre et témoigner de notre foi en ce monde ! Et, par là même, que son royaume de justice et d’amour puisse se répandre dans les cœurs. Et Il compte sur nous pour cela.
De fait, le monde a changé. En particulier en Occident. Autrefois, nous avions une Église d’héritiers, où la foi se transmettait de siècle en siècle, de génération en génération… Aujourd’hui, nous sommes plutôt dans une Église à construire avec des personnes qui n’ont jamais entendu parler du Christ et à qui nous avons à annoncer la Bonne Nouvelle. Nous pouvons, bien sûr, avoir une certaine nostalgie d’une société chrétienne. Mais c’est comme ça ! Nous sommes dans le monde, tel qu’il est aujourd’hui. Nous sommes dans le présent et nous devons l’assumer ainsi. Cela nous oblige à témoigner de notre foi d’une façon plus forte, plus affermie et cela n’est pas mauvais en soi ! Le Seigneur compte sur nous pour témoigner de notre foi, pour annoncer l’Évangile, pour faire connaître l’amour de Dieu tel que Jésus nous l’a donné, pour transmettre cette Bonne Nouvelle à nos enfants et petits-enfants par nos actes et nos paroles. Si nous ne le faisons pas, qui le fera ?
Dans l’Évangile, Jésus présente le témoignage comme une nécessité vitale pour nous tous : « quiconque se déclarera pour moi devant les hommes, moi aussi je me déclarerai pour lui devant mon Père qui est aux cieux. Mais celui qui me reniera devant les hommes, moi aussi je le renierai devant mon Père qui est aux cieux. ». Cette phrase fait référence au Jugement dernier, lorsque nous nous retrouverons devant le Seigneur et que nous aurons à rendre compte de ce que nous avons fait de notre foi. Et justement cela exprime bien que le témoignage est vital pour nous puisque nous serons jugés sur cela.
Bien sûr, nous serons jugés sur l’amour comme le dit Saint-Jean de la Croix, mais justement c’est le plus grand amour que de transmettre aux autres la Bonne Nouvelle du Salut, et en premier lieu à nos enfants et à nos proches !
Si Jésus nous met en garde, c’est qu’il a bien conscience qu’il y a des résistances en nous, des peurs qui nous empêchent de parler et qui existaient déjà à l’époque. J’en relève trois.
La première, qui est très manifeste dans l’Évangile d’aujourd’hui, c’est la peur des conséquences sur nous. Cela peut être un rejet violent de la part des autres, une forme de persécution, ou tout simplement une mise à l’écart. Il est fréquent d’entendre des personnes dire que dans leur travail, elles ne peuvent pas témoigner de leur foi, car sinon elles seront traitées de « catholiques » et mises à l’écart. Souvent nous l’imaginons car ce n’est pas toujours le cas. Il y a aussi beaucoup de gens qui sont de bonne volonté et qui ne sont pas forcément hostiles même s’ils sont indifférents ! Mais la peur est là en nous, car parfois, de fait, il y a aussi des rejets qui peuvent être assez violents !
J’ai rencontré, il y a quelques jours, un instituteur dans l’Enseignement public. Tout le monde sait qu’il est catholique, car il ne s’en cache pas, tout en étant discret. Il répond aux questions, explique, rétablit la vérité sur l’Église ou sur la foi, mais avec douceur, humilité, respect. Du coup, il n’est pas rejeté, mais apprécié de ses collègues, et parfois on lui demande des conseils.
La seconde est la peur de faire du prosélytisme, de forcer les gens, de contraindre leur liberté. Le pape Benoit XVI avait écrit une phrase, reprise par le pape François « L’Église ne grandit pas par prosélytisme, mais par attraction. ». Autrement dit, témoigner de sa foi ne doit pas se manifester par du harcèlement. Le harcèlement ne fait pas grandir l’Église, mais au contraire entraîne le rejet.
L’attraction c’est autre chose. Cela signifie que les gens vont sentir à travers nous, à travers nos paroles, nos actes, cet amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ qui anime notre vie. Et c’est tout à fait autre chose, car c’est attirant et cela donne envie de mieux connaître Jésus. Cette peur est entretenue malheureusement aussi dans notre pays au nom de la laïcité, y compris dans l’Enseignement catholique… Nous n’osons plus exprimer ce que nous avons dans le cœur, ce qui nous fait vivre ! Je pense qu’il nous faut dépasser cette peur ! La laïcité, ce n’est pas cacher ce qui nous fait vivre !
Enfin, la peur de ne pas savoir répondre. Au fond, nous avons peur des questions sur la religion, sur la foi, sur l’Église, car nous nous sentons incapables d’y répondre et il y en a beaucoup aujourd’hui des questions de la part des enfants, des jeunes et des adultes ! Cette peur nous pousse à rester silencieux. Cette peur ne peut être surmontée que par la formation, par un approfondissement de notre foi. Aujourd’hui, nous ne pouvons pas passer à côté de cela. Quand je ne sais pas répondre à une question, je vais essayer de me documenter et ainsi je saurai répondre la fois suivante ! Il y a énormément de formations proposées dans le diocèse. De différents niveaux. C’est accessible à tous.
Nous savons bien que le catéchisme ne s’arrête pas à la Profession de foi, maintenant, c’est toute la vie que nous sommes dans le catéchisme. Sinon, nous ne pouvons pas être fidèles à notre vocation de baptisés. Le diocèse propose des catéchèses pour adultes.
Mais, par rapport à ces peurs, Jésus nous appelle à la confiance et à la foi : « ne craignez pas les hommes. » nous dit-il, et plus loin : « ne craignez pas ceux qui tuent le corps sans pouvoir tuer l’âme. » Ça va loin ! Coûte que coûte, nous devons témoigner et transmettre notre foi ! N’ayons pas peur, le Seigneur est avec nous et même si ce n’est pas facile d’être chrétien dans le monde d’aujourd’hui et que nous trouverons des oppositions, des rejets aussi sans doute, mais pas toujours, nous y trouverons aussi beaucoup de joie spirituelle. « Soyez donc sans crainte dit Jésus vous valez bien plus qu’une multitude de moineaux. ». Amen
† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon