Frères et sœurs,
Nous célébrons aujourd’hui la fête du Saint-Sacrement du Corps et du Sang de Jésus dans un contexte très particulier puisqu’en raison de l’épidémie de Covid-19, vous avez été empêchés de communier pendant plus de deux mois. Et nous évêques, prêtres, nous avons dû célébrer seuls ce qui est aussi une épreuve ! Cependant cela nous a permis de réfléchir peut-être davantage à l’importance de l’eucharistie dans notre vie.
Il y a eu débat par rapport à la réouverture du culte. Je ne parlerai pas de celui qu’il y a eu avec l’Etat concernant la liberté religieuse. Ce n’est pas le lieu d’évoquer cela. Mais il y a eu un débat à l’intérieur de l’Église entre ceux qui voulaient communier à tout prix sans tenir compte des risques de la maladie et ceux qui voulaient surtout se protéger et prier à la maison. Cela a posé une question théologique qui nous concerne, celle de la présence du Christ dans cette période difficile. Même si nous n’avons pas pu participer à la messe, le Christ était-il tout de même présent dans notre vie ? En cette fête du Saint-Sacrement, nous pouvons effectivement dire qu’il y a une différence entre la présence du Christ dans notre vie et puis la communion eucharistique, qui est un sacrement, mais cela ne veut pas dire que le Christ était absent de nos vies !
D’abord il faut préciser que le Christ est présent partout notamment lorsque nous prions comme le dit Jésus : « Quand 2 ou 3 sont réunis en mon nom, je suis là au milieu d’eux. » (Mt 18, 20) et nous avons expérimenté durant ce confinement plusieurs aspect de cette présence.
Il y a eu une belle découverte pour beaucoup de la prière en famille et même de la liturgie familiale. Je pense par exemple à une famille où ils ont célébré le lavement des pieds et une autre où les parents ont lu la Passion à leurs enfants le jour du vendredi Saint. Les uns comme les autres ont vécu une expérience spirituelle intense.
Il y a eu aussi des temps de partage de la Parole de Dieu. Or Jésus se rend présent à nous et nous nourrit lorsque nous méditons sa parole : « L’homme ne vit pas seulement de pain mais de toute parole venant de la bouche de Dieu. » dit Jésus (Mt 4, 4)
Enfin Jésus manifeste aussi sa présence dans la charité. Il y a eu de beaux et de forts moments de solidarité pendant le confinement. Or Jésus dit bien dans la parabole du jugement dernier en St Matthieu : « j’avais faim et vous m’avez donné à manger… et ce que vous avez fait au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous l’avez fait. » (Mt 25, 35.40) ce qui veut bien dire que Jésus est présent aussi dans les gestes de charité.
Et enfin la messe n’a jamais cessé d’être célébrée dans notre diocèse. Le Christ a continué à se donner à son église dans l’eucharistie puisque, avec les prêtres, nous avons célébré la messe tous les jours et nous portions dans l’eucharistie tous nos fidèles et les intentions qui nous étaient confiées. Donc le Christ était bien présent à tous pendant le confinement. Rien, ni personne, ne peut empêcher Jésus d’être présent partout puisqu’il est vainqueur même de la mort.
Cependant il faut dire, en cette fête du Corps et du Sang du Christ, que la communion nous ouvre une autre dimension de cette présence puisqu’elle touche à notre corps par un sacrement.
Le Christ, lorsqu’il a institué l’eucharistie au cours de son dernier repas, a voulu que non seulement il soit avec nous jusqu’à la fin des temps, donc bien présent à nos côtés, mais qu’il soit aussi en nous, dans notre corps, dans nos veines dans une véritable communion.
Autant vous n’avez pas été privés de sa présence et même de la communion de désir lorsque vous avez regardé la messe à la télévision, autant vous avez été privés pendant quelques mois de la communion à son Corps.
Dans les textes de la Parole de Dieu que nous avons entendus aujourd’hui, j’ai repéré deux fruits de cette communion au corps du Christ :
Le premier est dans la lettre de Saint Paul aux Corinthiens : « Puisqu’il y a un seul pain, la multitude que nous sommes est un seul corps, car nous avons part à un seul pain. » Et, de fait, si nous communions au corps du Christ, qui n’est pas divisé, nous sommes forcément en communion les uns avec les autres ! Pourtant, cette unité de l’Église, corps du Christ, est un vrai défi. L’Église a toujours du mal à maintenir cette unité. Vis-à-vis des autres confessions chrétiennes déjà, mais également à l’intérieur de l’Église catholique. Si le Christ n’était pas dans nos veines à tous, il serait impossible de progresser dans cette unité et l’Église aurait disparue depuis longtemps ! Comme le dit Jésus dans l’évangile selon Saint Jean (Jn 15, 4-5) : « Je suis la vigne, vous êtes les sarments… Demeurez en moi, comme moi en vous. De même que le sarment ne peut pas porter du fruit par lui-même s’il ne demeure pas sur la vigne, de même vous non plus si vous ne demeurez pas en moi… Sans moi, vous ne pouvez rien faire. »
Et c’est ce que nous entendons aussi dans l’Évangile d’aujourd’hui : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi je demeure en lui. » Il y a donc une vraie communion, au sens corporel du terme, et pas seulement une présence de Jésus à nos côtés. C’est ce que Saint Augustin exprime de façon très belle en parlant de la nourriture qui nous vient du Seigneur : « Tu ne la changeras pas en toi, comme la nourriture de ton corps, c’est toi qui sera changé en moi. »
Nous trouvons le deuxième fruit de la communion dans la bouche de Jésus dans l’Évangile de ce jour : « Celui qui mange de ce pain vivra éternellement. » Le corps de Jésus ressuscité vient demeurer en nous par la communion. Lui qui a vaincu la mort, vient dans nos veines ! C’est l’espérance extraordinaire que le Seigneur nous donne. D’ailleurs, en méditant avec vous sur la route, quelqu’un a souligné que Jésus parlait tantôt au présent et tantôt au futur. Nous avons déjà maintenant la vie éternelle et nous ressusciterons.
C’est pourquoi, nous ne pouvons pas avoir le même rapport à la mort qu’une personne qui n’a pas la foi, pour qui la mort ne débouche sur rien.
Quand les fidèles ont ardemment désiré communier pendant le temps de confinement, c’était tout à fait compréhensible, car on ne peut pas se passer de la vie du Christ ressuscité et comme Il le dit : « Si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme, vous n’avez pas la vie en vous. » En même temps, vous n’étiez pas privé pour autant de sa présence, de sa parole et de son amitié, et donc aussi de la communion ecclésiale qui se vivait d’une autre façon.
Bénis sois-tu Seigneur Jésus, qui nous donne par cette communion à ton Corps d’être unis à nos frères et sœur dans la foi, dans l’espérance de vivre pour toujours avec toi dans le bonheur sans fin. Amen
† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon