En l’absence de fidèles en raison de la Pandémie du Coronavirus Covid-19
Messe diffusée en vidéo sur le site du diocèse
Frères et Sœurs,
Il me semble important de revenir sur cette montée triomphale de Jésus à Jérusalem, qui apparaît au premier abord en total décalage, voire en contradiction avec le récit de la Passion que nous venons d’entendre. Pourtant, ces deux récits se complètent et s’éclairent mutuellement comme nous allons le voir.
Lorsque Jésus est arrivé à Jérusalem, la foule l’a acclamé. Ils étaient dans l’enthousiasme. De fait, ils avaient entendu ses enseignements, ils admiraient le fait qu’il parlait avec autorité. Ils avaient été bouleversés par les guérisons, les esprits mauvais chassés, la résurrection de Lazare. Ils voyaient se manifester en lui la Puissance de Dieu. Ils l’ont accueilli comme le Messie, celui qu’ils attendaient et en qui ils mettaient tous leurs espoirs.
Alors, comment comprendre ce retournement de la population qui après l’avoir acclamé a demandé sa mort ? C’est qu’il y a eu une immense déception comme le diront les disciples d’Emmaüs : « Nous, nous espérions qu’il serait le libérateur d’Israël » (Lc 24, 21).
Nous pouvons nous-mêmes avoir ce sentiment de profonde déception lorsqu’après avoir trouvé dans la rencontre avec Jésus, la prière, la méditation de l’Évangile, un grand réconfort et un immense espoir pour notre vie, nous sommes plus tard confrontés à des épreuves qui nous font douter de Dieu et même, parfois, nous révolter contre Lui. Nous pourrions dire alors comme Jésus sur la croix : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? ».
De fait, les habitants de Jérusalem n’ont pas compris pourquoi Jésus s’était laissé arrêter, il ne s’est pas défendu. Ils le lui reprocheront quand il sera sur la croix : « Il en a sauvé d’autres et il ne peut pas se sauver lui-même ! Il est roi d’Israël : qu’il descende maintenant de la croix et nous croirons en lui. »
Jésus n’a pas pris le chemin qu’ils auraient souhaité, celui d’une libération du mal par la puissance des moyens humains. Libération de toutes les injustices, ce qui nous rend malheureux, ce qui nous désespère. Au contraire, pour être fidèle à son Père, il a choisi le chemin de l’humilité et du don de soi.
C’est ce que Saint-Paul exprime dans la 2e lecture : « Le Christ Jésus, ayant la condition de Dieu ne retint pas jalousement le rang qu’il égalait à Dieu. Mais il s’est anéanti, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes. (…) il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort ».
Jésus n’a pas pris le chemin de la puissance et de la gloire humaine. Cela, il les a rejetées dès le début de sa vie publique lors des tentations au désert. Il s’est abaissé pour donner sa vie par amour. Il nous a montré quel était le chemin de l’amour le plus parfait, celui qui l’a conduit jusqu’au don du sang sur la croix, comme nous venons d’en faire mémoire dans le récit de la passion.
En prenant ce chemin, Jésus nous montre que c’est par l’humilité et le don de notre vie que nous devons nous-mêmes passer si nous voulons le suivre dans une vie plus forte que le mal et plus forte que la mort. L’humilité est la porte d’entrée de l’amour véritable qui ouvre, en fait, à la vraie libération du mal.
Par la pandémie que nous sommes en train de vivre, nous prenons conscience de notre grande vulnérabilité, alors que nos moyens technologiques ont pu nous mettre dans l’illusion du contraire. C’est un simple virus un peu plus contagieux et plus létal que les autres qui met à genoux toute la société et cela de façon mondiale !
Nous nous en sortirons, nous l’espérons bien, mais nous devons accueillir cette épreuve comme un appel à l’humilité. Ce virus nous rappelle que nous ne sommes pas au-dessus de la nature, nous sommes nous-mêmes des créatures de Dieu. C’est pourquoi nous avons le devoir de respecter la Création, sinon elle se rebelle ! Cette humilité nous pousse aussi à respecter les autres, et en particulier les plus fragiles comme nous le voyons actuellement avec le Covid-19 par les moyens extraordinaires qui sont employés pour sauver des vies. Tout le monde est mobilisé ! C’est un beau signe.
Nous voyons bien que ce qui compte le plus aujourd’hui dans cette épreuve, ce qui est vraiment nécessaire, c’est le don de soi, le service des autres, l’attention aux plus faibles, la solidarité, autrement dit la vraie fraternité que nous avons à construire ensemble. C’est précisément ce chemin de la croix que le Christ a emprunté et qui est le seul qui conduit vraiment à la vie.
Comme nous l’avons entendu dans la lettre aux Philippiens, tout ne s’arrête pas à l’abaissement de Jésus. Saint-Paul ajoute « c’est pourquoi Dieu l’a exalté ». L’amour de Dieu est plus fort que la mort. Le chemin de l’humilité et du don de soi est un chemin de vie. À plusieurs reprises dans les Évangiles, Jésus nous dit : « Celui qui s’élève sera abaissé ; celui qui s’abaisse sera élevé. » Autrement dit, si nous donnons notre vie par amour comme Jésus, ce n’est pas nous qui nous élevons nous-mêmes, c’est Dieu qui nous élève, qui redonne sens à notre vie et nous enracine dans l’espérance. Et cela change tout !
Beaucoup de conflits, y compris en famille, naissent du manque d’abaissement, du manque d’humilité. Il n’y a pas d’amour sans humilité. C’est l’orgueil qui nous donne l’illusion d’avoir toujours raison, d’être meilleurs que les autres. Le chemin de l’humilité nous pousse au contraire à nous décentrer de nous-mêmes et à nous mettre à l’écoute et au service des autres par amour. Nous en sortons toujours grandis !
« Il a mis sa confiance en Dieu. Que Dieu le délivre maintenant s’il l’aime ! Car il a dit : ‘Je suis Fils de Dieu’ ». Cette parole prononcée par ceux qui se moquaient de lui sur la croix était prophétique. Elle deviendra lumineuse lorsque Jésus ressuscitera. Durant cette Semaine Sainte qui commence aujourd’hui, nous suivrons Jésus pas à pas dans son abaissement et le don de sa vie. Il nous révèle le vrai visage de Dieu. Dieu d’amour et de miséricorde dont nous avons tant besoin en cette période éprouvante que nous traversons. AMEN
† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon