Is 66, 10-14c ; Ps 65 ; Ga 6, 14-14 ; Lc 10, 1-12 ; 17-20
Frères et Sœurs,
Vous savez tous, je suppose, que ce nom de Mère de Dieu donné à Marie (Mamm Doué en breton, Theotokos en grec) a été très discuté dans les premiers siècles au point de faire l’objet d’une clarification au Concile d’Éphèse en 431. Car la Vierge Marie est bien une femme humaine, elle n’est pas Dieu. Mais elle n’est pas non plus une sainte comme les autres. Nous pouvons vraiment l’appeler Mère de Dieu, car, par cette expression étonnante, l’Église veut rappeler que Celui qu’elle a porté en son sein et qu’elle a mis au monde, Jésus, est bien Dieu qui vient nous sauver. Marie a donc mis au monde l’auteur de la vie. C’est bien elle, pour sa part, qui par le OUI qu’elle a adressé à l’ange Gabriel, a permis que se réalise le dessein de Dieu de sauver l’humanité pécheresse.
Par Marie, Jésus est venu sauver l’humanité en prenant chair de notre chair, car on ne sauve pas de loin. Je pense à un petit livre écrit sur ce sujet par un cousin de mon père qui était dominicain, Paul-Dominique DOGNIN. Son livre a pour titre : « Comme un sauvetage » et il prend l’image du sauvetage en mer pour faire comprendre la nécessité de l’Incarnation de Dieu en la personne de Jésus.
C’est une image qui nous parle dans le Finistère, car nous savons bien que les sauveteurs de la SNSM ne peuvent pas sauver de loin. Ils risquent parfois leur vie pour aller, quel que soit l’état de la mer, secourir des naufragés, quitte à se mettre eux-mêmes à l’eau. Jésus nous sauve en plongeant dans notre humanité et en partageant ses souffrances et ses drames, mais aussi ses joies et ses espoirs.
Dans l’Évangile de ce jour, Jésus envoie ses disciples en mission justement pour leur annoncer que le « Royaume de Dieu s’est approché » de nous. L’expression revient plusieurs fois. Cette proximité de Dieu, les disciples la manifestent par des guérisons qui sont le signe de la bonté de Dieu à notre égard. Guérisons physiques, mais surtout spirituelles avec les démons qui sont chassés. Le démon, comme son nom l’indique, c’est le diviseur, celui qui nous détourne de la vérité et nous empêche de nous aimer les uns les autres. C’est justement grâce à cette proximité de Dieu, manifesté en Jésus, que nous pouvons en être délivrés.
Comme nous l’avons entendu dans l’Évangile, nous ne sommes pas obligés d’accueillir le Seigneur qui vient nous sauver. Nous pouvons le refuser comme ceux qui ne veulent pas accueillir les disciples. Mais Jésus demande tout de même que la Bonne Nouvelle soit annoncée à tous : « Sachez-le, le Règne de Dieu s’est approché ». Comme le dit le pape François : « Tous ont le droit de recevoir l’Évangile. » (Evangelii Gaudium n° 14)
C’est pour cela que le Bienheureux Julien MAUNOIR, jésuite comme vous savez, est parti en mission pour annoncer à nouveau l’Évangile sur nos terres bretonnes. Il aurait très bien pu se retrouver dans les paroles de saint Paul que nous avons entendues en 2e lecture : « Pour moi, que la croix de notre Seigneur Jésus Christ reste ma seule fierté. » Les comptes-rendus de ses missions révèlent à quel point cette annonce de la Bonne Nouvelle était difficile et rencontrait beaucoup de résistance, autant de la part de la population que du clergé local d’ailleurs !
L’histoire de cette chapelle nous dit que c’est ici qu’il a reçu le don de la langue bretonne. C’était pour lui une nécessité pastorale afin que tous les habitants puissent entendre la Bonne Nouvelle. Une nécessité pour manifester la proximité du Royaume de Dieu par sa sollicitude vis-à-vis de ceux qui souffraient d’une manière ou d’une autre ou qui étaient sous l’emprise du diviseur, le démon ! Et de ce côté-là, il a eu fort à faire !
Maintenant, c’est nous qui sommes envoyés pour manifester cette proximité de l’amour de Dieu dans nos familles et dans notre entourage. Jésus nous demande de le faire avec beaucoup de simplicité, sans gros moyens, avec respect. C’est ce que dit saint Pierre quand il nous demande d’être toujours prêt à rendre compte de l’espérance qui est en nous, mais de le faire avec douceur et respect (cf. 1 P 3, 15-16). Autrement dit, sans se croire meilleur ni supérieur aux autres, mais en étant simplement témoins joyeux de la Bonne Nouvelle, avec nos fragilités, nos limites humaines et malheureusement aussi nos péchés, mais avec cette volonté de rendre réellement présente cette proximité de l’amour de Jésus par notre attention aux autres et notre volonté de nous mettre à leur service pour le bien de tous.
Actuellement, nous sommes dans le Finistère depuis presque un an dans une démarche diocésaine « Devenir Chrétiens en Famille ». Nous voyons bien que la transmission de la foi dans les familles est difficile aujourd’hui. Beaucoup d’entre nous ont des enfants ou petits-enfants non croyants. Mais nous avons aussi de beaux témoignages d’enfants et de jeunes qui découvrent la foi, demandent le baptême et certains y entraînent leurs parents dont un certain nombre prennent ou reprennent le chemin de la foi.
Autrefois, la transmission de la foi se faisait dans le cadre de l’éducation, de parents vers les enfants. Aujourd’hui, la foi se propage au sein des familles dans un sens ou dans l’autre de façon souvent étonnante. Mais dans tous les cas, c’est toujours la paix et la joie qui se manifestent dans ces cas-là comme celle qui était annoncée par le prophète Isaïe dans la 1re lecture : « Voici que je dirige vers elle la paix comme un fleuve… votre cœur sera dans l’allégresse… »
C’est cette joie spirituelle qui grandit dans le cœur des personnes qui découvrent ou redécouvrent que le Royaume de Dieu s’est approché d’eux, que le Seigneur les aime et vient les délivrer du mal et les conduire vers la vraie vie.
En ce pardon de Ty Mamm Doué, il me paraît plus que nécessaire d’accueillir de façon renouvelée cette parole du Christ : « Le Règne de Dieu s’est approché de vous ». Par Marie, la Mère de Dieu, Jésus vient nous sauver en se faisant proche de nous. Nous en avons bien besoin dans le contexte mondial bouleversé et inquiétant qui est le nôtre, et ses lourdes conséquences dans la vie sociale et dans la vie de l’Église.
Il y a la guerre en Ukraine qui n’a pas fini de nous faire souffrir, mais je pense aux tensions et même aux divisions qui se sont produites à propos des règles sanitaires, y compris au sein de l’Église. Nous avons besoin de retrouver la paix qui nous vient du Seigneur. C’est lui qui peut faire fuir le diviseur qui est en chacun de nous et nous faire goûter la joie spirituelle et l’espérance dont nous avons tant besoin pour témoigner du Salut en Jésus-Christ autour de nous.
Confions-nous à la prière de la Vierge Marie, la Mère de Dieu qui est aussi notre Mère et qui prend soin de nous. Amen.
† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon