1R 19, 16.19-21 ; Ps 15 ; Ga 5, 1.13-18 ; Lc 9, 51-62
Chers Amis,
En cette messe du pardon des motards, nous venons d’écouter des textes de la Bible et un passage d’Évangile qui peuvent nous éclairer, en tant que motards. J’aimerais en faire ressortir quelques aspects.
En méditant ces textes, une question m’est venue à l’esprit : y a-t-il vraiment une différence entre le fait d’être un motard chrétien ou le fait d’être un motard « tout court » ? Autrement dit, notre foi chrétienne change-t-elle quelque chose dans notre manière de conduire et de nous comporter sur la route ? Moi, je pense que si nous voulons vraiment vivre en disciples de Jésus-Christ, alors, oui, cela peut changer nos comportements. Nous ne sommes pas meilleurs que les autres, mais l’Esprit Saint nous aide à changer si nous nous laissons éclairer par la Parole de Dieu et si nous nous engageons à suivre Jésus.
D’abord, rappelons ce que signifie être un disciple de Jésus-Christ.
C’est croire que Jésus est vraiment Dieu qui s’est fait homme pour sauver l’humanité.
C’est croire qu’après avoir été exécuté sur la croix, Dieu l’a ressuscité des morts et qu’il est toujours vivant.
C’est croire, aussi, que si nous mettons notre foi en lui, nous sommes libérés du mal et qu’il nous fait entrer dans sa vie, une vie plus forte que la mort.
Quand on est motard, on mesure sans doute plus que quiconque le prix de la vie. En voiture, on se croit davantage en sécurité, mais à moto, on est plus conscient des risques, des dangers de la route. On est aussi davantage sensible à ceux qui meurent dans un accident même si on ne les connaît pas. Nous le voyons clairement à la chapelle mémorielle de Porcaro, lieu de recueillement et de prière pour les motards défunts, où ils sont considérés par les motards comme des frères et sœurs.
Notre foi de chrétiens nous donne l’espérance indéfectible que leur vie est entre les mains du Seigneur, lui qui a vaincu la mort. Ils auront à rendre compte de ce qu’ils ont fait durant leur vie, mais ils seront jugés sur l’amour qu’ils ont manifesté. C’est Jésus qui nous a promis cela. Et donc, que leur mort ne les conduit pas au néant, mais à une vie bienheureuse avec Dieu et avec ceux qu’ils ont aimés et qui les ont aimés. C’est au nom de cette espérance que nous prions pour eux et pour leurs familles aujourd’hui.
Être disciple du Christ, c’est donc déjà être habité par cette espérance qui nous fait voir la vie sous un jour nouveau. Le comédien Thierry BIZOT qui a retrouvé la foi après des années d’incroyance a écrit : « Un nouveau soleil venait d’apparaître dans ma galaxie, me forçant à reconsidérer toutes mes valeurs sous ce nouveau jour, m’apportant un bonheur indiscutable. » (CATHOLIQUE ANONYME, 2008)
Ce bonheur de voir la vie sous un nouveau jour nous fait contempler la nature en y reconnaissant l’amour de Dieu qui a voulu que tout soit beau et nous rende heureux. On se ressource en regardant la nature, en contemplant la mer qui est devant nous. Quand on est à moto, on est plus en lien avec la nature que lorsqu’on circule en voiture !
Oui, il y a du bonheur à avoir la foi et à vivre en chrétien, mais c’est aussi un engagement de toute la vie ! On ne peut pas être chrétien le dimanche et pas en semaine ! On ne peut pas être chrétien dans la vie courante et pas sur sa moto !
C’est pourquoi je vois encore deux autres appels que vous pouvez recevoir comme motards dans les textes que nous avons entendus.
Être motard donne un sentiment de liberté, plus encore que de conduire une voiture. Peut-être justement par ce contact plus fort avec la nature, avec les aléas climatiques, mais aussi cette joie de se balader à moto, seul ou avec d’autres. Saint Paul, dans la deuxième lecture, nous dit : « Mais que cette liberté ne soit pas un prétexte pour votre égoïsme ; au contraire, mettez-vous, par amour, au service les uns des autres. »
De fait, il existe une solidarité entre motards, notamment pour aider celui qui a un problème mécanique ou autre. Comme chrétien, ce service n’est pas une option. C’est un devoir comme Jésus l’a dit : « Tout ce que vous faites au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous le faites. » (Cf Mt 25, 40) Et cela suppose une grande disponibilité comme Jésus l’exprime dans l’Évangile de ce jour où il appelle certains à le suivre, mais les gens sont retenus par toutes sortes de liens matériels ou affectifs. Ils ne sont pas disponibles. Notre foi nous appelle à être disponibles à ceux qui en ont besoin, même si cela nous dérange.
Cette solidarité est à vivre aussi en dehors des trajets à moto, dans un contexte actuel très individualiste comme le soulignent les sociologues. Les motards donnent, eux, plutôt le témoignage d’une attention à l’autre. Même lorsque l’on se donne simplement un petit signe en se croisant, cela contribue à se sentir plus frères et sœurs. Être motard peut aider à développer une plus grande fraternité, entre Français, mais aussi avec les motards d’autres pays que nous croisons lors de nos périples, et dont certains sont présents aujourd’hui.
Cette tentation à l’égoïsme pourrait se vivre aussi dans notre manière de conduire, lorsque nous sommes tentés par l’imprudence, grisés par l’accélération, par la vitesse. Si nous ne sommes pas vigilants, nous nous mettons nous même en danger, mais nous mettons aussi les autres en danger. Ou encore si nous conduisons sous l’emprise de l’alcool ou de la drogue. Se mettre par amour au service les uns des autres, comme nous y invite saint Paul, c’est aussi être prudent et respectueux des autres sur la route.
Nous voyons bien qu’être motard et chrétien, cela peut changer non seulement notre espérance et notre foi par rapport à la mort, mais aussi notre comportement vis-à-vis des autres, sur la route et dans la vie courante.
Nous comprenons mieux alors ce que saint Paul veut dire quand il écrit : « marchez sous la conduite de l’Esprit Saint, et vous ne risquerez pas de satisfaire les convoitises de la chair. » Ce que nous pourrions traduire quand on est motard par satisfaire de façon imprudente tous nos désirs de puissance, de vitesse…
Au contraire, se laisser conduire par l’Esprit Saint, c’est faire le choix d’être vraiment chrétien sur sa moto en étant solidaire et respectueux des autres, et c’est ainsi que nous trouvons beaucoup de joie.
C’est en ce sens que nous demanderons tout à l’heure à Dieu de vous bénir, c’est-à-dire de vous faire du bien, de vous manifester son amour, de vous protéger du danger, mais aussi de tout égoïsme et de vous faire expérimenter la joie de l’espérance.
Confions-nous à la prière de la Vierge Marie, la Madone de Porcaro qui porte ici le nom de Notre-Dame de Rocamadour, et confions-nous à la prière de saint Colomban, votre saint patron. Amen.
† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon