Dans les Actes des apôtres, nous lisons ce dimanche le récit de la mort d’Étienne. Saint Luc le présente comme le plus important des Sept diacres nouvellement ordonnés par les Douze. Dans son récit il y a beaucoup de points communs entre sa Passion et celle de Jésus. De culture grecque, Étienne a tenu tête aux Juifs de la diaspora. Comme Jésus, il est traîné devant le grand conseil, les anciens et les scribes. Souvent, en employant les mots mêmes de Jésus, il reproche longuement à ses accusateurs d’avoir la tête dure et de faire mourir les prophètes. Il rappelle l’annonce, par Jésus, de la destruction du Saint Lieu qu’est le Temple de Jérusalem. Il prêche le salut non par l’application de la loi de Moïse, mais par la foi en Jésus Christ. Désormais Dieu n’habite pas dans des bâtiments construits par des hommes mais dans leur esprit et dans leur cœur.
En ces jours-là, Étienne était en face de ses accusateurs
qui avaient le cœur exaspéré et grinçaient des dents contre lui.
Mais lui, rempli de l’Esprit Saint, fixait le ciel du regard :
il vit la gloire de Dieu, et Jésus debout à la droite de Dieu.
Il déclara : « Voici que je contemple les cieux ouverts
et le Fils de l’homme debout à la droite de Dieu. »
Alors ils poussèrent de grands cris et se bouchèrent les oreilles.
Tous ensemble, ils se précipitèrent sur lui,
l’entraînèrent hors de la ville et se mirent à le lapider.
Les témoins avaient déposé leurs vêtements
aux pieds d’un jeune homme appelé Saul.
Étienne, pendant qu’on le lapidait, priait ainsi :
« Seigneur Jésus, reçois mon esprit. »
Puis, se mettant à genoux, il s’écria d’une voix forte :
« Seigneur, ne leur compte pas ce péché. »
Et, après cette parole, il s’endormit dans la mort.
Ac 7, 55-60
Jésus l’avait prédit à Nathanaël : « Tu verras des choses plus grandes encore. Amen, amen, je vous le dis : vous verrez le ciel ouvert, et les anges de Dieu monter et descendre au-dessus du Fils de l’homme (Jn 1, 51). Cette prédiction se réalise pour Étienne qui contemple le Fils de l’homme et voit Jésus à la droite de Dieu, revêtu du même pouvoir et de la même gloire que Lui. La promesse des prophètes est accomplie : le voile des cieux est déchiré et l’homme partage la vie divine ainsi que l’avait promis Jésus au bon larron : « Aujourd’hui même tu seras avec moi en paradis ». Comme Jésus qui était venu apporter la paix et la réconciliation, Étienne provoque la division entre membres du même peuple d’Israël, de la même famille. Ce n’est pas par hasard que saint Luc indique la présence hostile du « jeune homme Saul » qui approuve le meurtre d’Étienne. Une manière de préparer ses lecteurs au récit de sa conversion qu’il racontera plus tard dans son Livre.
Dans l’Évangile, Jean nous rapporte la prière que Jésus adresse à son Père, les yeux levés vers le ciel lui aussi, comme Étienne. Il prie pour ses amis qui sont présents et qui l’écoutent, juste avant sa Passion. Il prie pour tous ceux qui accueilleront sa parole et croiront en lui. Sa prière – la plus développée dans les Évangiles –, se présente comme un testament spirituel.
En ce temps-là, les yeux levés au ciel, Jésus priait ainsi :
Je ne prie pas seulement pour ceux qui sont là,
mais encore pour ceux qui, grâce à leur parole, croiront en moi.
Que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi.
Qu’ils soient un en nous, eux aussi,
pour que le monde croie que tu m’as envoyé.
Et moi, je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée,
pour qu’ils soient un comme nous sommes un :
moi en eux, et toi en moi. Qu’ils deviennent ainsi parfaitement un,
afin que le monde sache que tu m’as envoyé,
et que tu les as aimés comme tu m’as aimé.
Père, ceux que tu m’as donnés,
je veux que là où je suis, ils soient eux aussi avec moi,
et qu’ils contemplent ma gloire,
celle que tu m’as donnée parce que tu m’as aimé avant la fondation du monde.
Père juste, le monde ne t’a pas connu,
mais moi je t’ai connu, et ceux-ci ont reconnu que tu m’as envoyé.
Je leur ai fait connaître ton nom, et je le ferai connaître,
pour que l’amour dont tu m’as aimé soit en eux,
et que moi aussi, je sois en eux. »
Jn 17, 20-26
Dans sa prière, Jésus demande à son Père que ses disciples vivent dans l’union avec lui et l’unité entre eux. « Je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée, pour qu’ils soient un comme nous sommes un : moi en eux, et toi en moi. » Ainsi ses disciples, les membres de son Église, partagent la gloire de Jésus et la gloire du Père en vivant dans une glorieuse unité. Cette unité qui doit briller aux yeux du monde est une annonce de bonne nouvelle. Ainsi – comme le dira saint Irénée, un disciple de saint Jean –, aux yeux du monde il apparaîtra que la gloire de Dieu c’est l’homme vivant, et que la gloire de l’homme c’est de connaître Dieu en vivant dans l’unité et la paix.
Quand on parle d’unité, on peut distinguer deux approches. Une approche éthique qui concerne la vie en commun de personnes différentes. Vivre dans l’unité cela consiste à vivre sous le signe de la justice et de la paix, quand elles « s’embrassent » (ps 84), à vivre en harmonie, en bonne entente les uns avec les autres. Cette conception de l’unité est omniprésente dans l’Évangile. Mais dans ce passage, Jésus en propose une autre. L’unité concerne d’abord, non pas seulement un « vivre ensemble », mais un « vivre de la même vie ». Non pas une vie commune entre deux plants de vigne voisins dans la même vigne, mais une vie commune à chaque plant et aux ceps qu’il porte. C’est vivre de la même sève, du même pain et du même sang, des mêmes « gènes » spirituels pourrait-on dire. Le mot « en, dedans » et le mot « unité » traduisent un seul mot grec, « èn » (ne change que son accentuation). Être uni, vivre l’unité avec quelqu’un c’est donc en quelque sorte vivre en lui, habiter en lui, être animé de son souffle, faire corps – « une seule chair » (Gn 2,24) – avec lui, demeurer en lui. Cette image de la communion, appelée demeure commune, est très présente dans l’Évangile de Jean. Il ne s’agit donc pas d’abord de l’agir chrétien, mais de l’être et du devenir chrétien. Dans sa prière, Jésus tient ensemble trois manières de vivre cette unité. L’unité entre lui et son Père : tu es en moi et moi en toi. L’unité entre les disciples et lui : que moi je sois en eux et eux en moi. Et enfin l’unité entre les disciples : que tous ils soient un, comme toi Père tu es en moi et moi en toi.
Le Baptême et l’Eucharistie célèbrent et réalisent cette union et cette unité. L’adoption baptismale et la communion eucharistique signifient et accomplissent, en la personne de celui qui les vit dans la foi, l’unité entre le divin et l’humain. Son être même est transformé. Cette unité et cette communion profonde accomplies en ses disciples par le Christ, sont le fondement de l’exigence d’unité et de communion entre eux pour que le monde croie. Elles ne sont donc pas à considérer seulement comme une responsabilité et une tâche à accomplir par leurs propres efforts, mais d’abord comme une œuvre accomplie par le Christ en leur personne humaine et divinisée. C’est en lui qu’elles prennent leur source, c’est-à-dire dans le fait d’être introduit par lui dans le même lien de filiation avec le Père. Cette unité et cette communion, Jésus prie pour qu’elles s’accomplissent en plénitude dans la droite de Dieu, dans sa gloire, quand ils se tiendront avec lui auprès du Père… « Ceux que tu m’as donnés, je veux que, là où je suis, eux aussi soient avec moi. »
Nous lisons ce dimanche le dernier texte de la Bible chrétienne dans la conclusion du Livre de l’Apocalypse. Il laisse retentir l’écho d’une liturgie des premières communautés chrétiennes.
Moi, Jean, j’ai entendu une voix qui me disait :
Voici que je viens sans tarder, et j’apporte avec moi
le salaire que je vais donner à chacun selon ce qu’il a fait.
Moi, je suis l’alpha et l’oméga,
le premier et le dernier, le commencement et la fin.
Heureux ceux qui lavent leurs vêtements :
ils auront droit d’accès à l’arbre de la vie
et, par les portes, ils entreront dans la ville.
Moi, Jésus, j’ai envoyé mon ange
vous apporter ce témoignage au sujet des Églises.
Moi, je suis le rejeton, le descendant de David,
l’étoile resplendissante du matin. »
L’Esprit et l’Épouse disent : « Viens ! »
Celui qui entend, qu’il dise : « Viens ! »
Celui qui a soif, qu’il vienne.
Celui qui le désire, qu’il reçoive l’eau de la vie, gratuitement.
Et celui qui donne ce témoignage déclare :
« Oui, je viens sans tarder. » – Amen ! Viens, Seigneur Jésus !
Que la grâce du Seigneur Jésus soit avec tous !
Ap 12-14.16-17.20
Ce texte exprime le climat de foi et de joie qui doit régner en chaque de assemblée chrétienne. Que les hommes et femmes de désir qui ont soif de l’eau de la vie soient dans l’allégresse. Tous vont pouvoir s’y abreuver en accédant à l’arbre de vie dans la Cité sainte, la Jérusalem céleste. Jésus est dans l’histoire, mais en même temps il la domine, il en est la clef, il l’inaugure et il l’achève, il lui donne tout son sens. Se fondant sur la promesse de Jésus : « Je viens bientôt », l’Église, animée par l’Esprit Saint, intercède, prie pour hâter la venue du Seigneur : « Viens, Maranatha », chante-t-elle après le récit de la Cène.
Evangile selon saint Jean – Jn 17, 20-26