Ex 12, 1-8. 11-14 ; Ps 115 (116b) ; 1 Co 11, 23-26 ; Jn 13, 1-15
Frères et Sœurs,
Il nous a été bon de réentendre dans le livre de l’Exode, ce passage qui est à l’origine de l’eucharistie que nous sommes en train de célébrer. Il nous rappelle que le fondement du sacrifice du Christ remonte à une étape tout à fait décisive de l’histoire du salut qui est, sous la conduite de Moïse, la libération du peuple hébreu qui est passé de la servitude en Égypte à l’entrée dans la Terre promise.
Le sang de l’agneau sacrifié, répandu sur les portes de la maison leur a permis d’être épargnés du fléau, c’est-à-dire de la mort des premiers-nés. Dans la célébration de l’eucharistie, nous retrouvons beaucoup d’allusions à cet Agneau Pascal, notamment avant la communion lorsque le célébrant dit : « Voici l’Agneau de Dieu qui enlève les péchés du monde. » Le sacrifice de l’Agneau Pascal fait référence à ce Passage décisif de l’Exode.
C’est désormais le sacrifice du Christ sur la Croix qui nous permet d’être libérés du fléau du péché et de la mort et cela de façon définitive. Le Christ est vraiment l’agneau véritable qui enlève les péchés du monde. Désormais, c’est son corps et son sang, offerts dans l’eucharistie, qui nous épargne le fléau du péché et de la mort éternelle. Nous retrouvons ce lien avec le livre de l’Exode dans la première lettre aux Corinthiens quand Jésus parle de « la Nouvelle Alliance en son sang. »
Dans l’histoire de l’humanité qui est marquée par des guerres, des épidémies et de nombreux bouleversements climatiques et environnementaux, il est bon de nous rappeler le dessin de Dieu pour l’humanité. Ce salut est offert aux hommes de siècle en siècle depuis des millénaires et le Christ par le don de sa vie et sa victoire sur la mort a rendu ce salut définitif.
L’eucharistie que nous célébrons accomplit donc pour nous ce que le Christ a promis. Nous pouvons comprendre alors à quel point l’eucharistie n’est pas un geste anodin. Le Christ continue de se donner ainsi à nous et il le fera sans cesse jusqu’à son avènement glorieux à la fin des temps. L’eucharistie est vraiment la source et le sommet de toute la vie chrétienne. Le bienheureux Charles de FOUCAULD, qui va être canonisé dans quelques semaines, disait : « Ne perds jamais une communion par ta faute ; une communion, c’est plus que la vie, plus que tous les biens du monde, plus que l’univers entier, c’est Dieu Lui-même, c’est Moi, Jésus. »
L’eucharistie est donc bien le sacrement qui fait battre le cœur de l’Église puisque c’est l’amour de Jésus qui se donne ainsi continuellement. Mais l’amour de Jésus fait battre le cœur de l’Église aussi d’une autre manière. C’est ce que nous avons entendu dans l’Évangile de ce jour. En lavant les pieds de ses disciples, Jésus leur donne un signe tout à fait essentiel et qui n’est pas seulement une leçon donnée à ses apôtres, mais un message destiné à nous tous qui sommes membres de l’Église.
Nous aussi avons à nous laver les pieds les uns aux autres, comme Jésus nous l’a demandé, et on peut même dire que ce geste prophétique caractérise notre vie de disciple de Jésus. Et nous pouvons y accueillir deux appels : le premier, c’est un appel à l’humilité. L’humilité est la base des relations humaines. C’est la base d’une vie conjugale apaisée, d’une vie familiale unie, d’une vie professionnelle sereine, d’une vie communautaire viable. C’est la base d’une vraie fraternité, et c’est la base de ce que devraient toujours être les relations dans l’Église en général.
Si quelqu’un se croit supérieur aux autres, c’est toujours un problème. D’ailleurs, devant Dieu, personne n’est supérieur aux autres. Chacun, évidemment, doit prendre ses responsabilités, mais sans orgueil et avec toujours le souci de servir. C’est ce que nous trouvons dans la parabole des talents où chacun va recevoir des dons différents, dix pour l’un, cinq pour l’autre, un pour le troisième. Mais il n’y a pas de hiérarchie de valeur, car tous reçoivent cela de la main de Dieu et personne ne peut se glorifier de ce qu’il a reçu ou de ce qu’il est devenu dans la société ou dans l’Église.
Au moment du jugement dernier, nous aurons tous à rendre compte de ce que nous avons fait de ce don ! Si certains reçoivent plus de responsabilités, c’est bien pour le service des autres, pour le bien commun et non pas pour construire une Église pyramidale !
Le deuxième appel est donc de servir. C’est ainsi que l’on doit comprendre la hiérarchie de l’Église, avec le sacerdoce de l’évêque et de ses prêtres. S’il y a un honneur à recevoir l’ordination, et il est réel, c’est d’abord l’honneur de donner sa vie pour se mettre au service de l’Église, au service des autres dans un vrai don de soi.
On a beaucoup dénoncé ces derniers temps le cléricalisme comme la cause de tous les maux. Mais le cléricalisme est une déviance qui révèle l’emprise du mal. Un clerc, c’est d’abord un serviteur. Il n’est pas clerc pour lui-même, mais pour l’Église, pour ses frères et sœurs baptisés, mais aussi pour ceux qui ne le sont pas encore puisqu’il est le serviteur de tous pour annoncer l’Évangile, sanctifier les fidèles par les sacrements et guider le peuple de Dieu afin qu’il marche toujours uni à la suite du Christ.
En cette semaine où nous célébrons le moment où Jésus est arrêté et où il va donner sa vie, il est bon de raviver dans notre existence et dans la vie de nos communautés chrétiennes ce qui fait battre le cœur de l’Église en remettant au centre ces deux commandements de Jésus : « prenez et mangez-en tous… ceci est la Nouvelle Alliance en mon sang. » et le deuxième : « Vous devez vous laver les pieds les uns aux autres… C’est un exemple que je vous ai donné, afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous. »
Dans des périodes de tension, comme nous pouvons les vivre avec la pandémie, la guerre en Ukraine, mais aussi avec les échéances électorales. Tensions qui peuvent être source de division dans la société, mais aussi dans l’Église, les commandements de Jésus nous ramènent à l’essentiel et ils nous enracinent dans une communion salutaire avec le Seigneur et entre nous. Ils sont source d’unité, d’espérance et de joie spirituelle. Amen.
† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon