Is 9, 1-6 ; Ps 95 ; Tt 2, 11-14 ; Lc 2, 1-14
Homélie retranscrite à partir d’un enregistrement
Frères et Sœurs,
La première phrase de la première lecture commence par ces mots : « Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière. »
Cette phrase nous touche particulièrement dans le contexte que nous vivons actuellement. Contexte plutôt ténébreux avec la crise sanitaire et ces vagues successives qui n’en finissent plus, les révélations sur les abus sexuels qui, cette année, ont beaucoup secoué l’Église, et qui impliquent évidemment une conversion profonde que nous commençons à vivre, et toutes les inquiétudes que nous pouvons avoir par rapport à l’avenir de notre planète, de notre humanité, beaucoup de choses nous préoccupent aujourd’hui.
La fête de Noël vient nous donner un peu de baume au cœur : cette grande lumière au milieu des ténèbres, nous la reconnaissons dans la venue de Jésus au milieu de nous. Ce petit enfant dans la crèche, c’est Dieu lui-même qui se fait homme pour nous sauver. C’est pour nous une source de grande espérance qui manifeste de façon extraordinaire l’amour et la miséricorde de Dieu à notre égard
« La grâce de Dieu s’est manifestée pour le salut de tous les hommes », dit saint Paul. Tout le monde n’est pas chrétien, mais beaucoup de personnes s’interrogent et sont à la recherche de Dieu de manière plus ou moins confuse. Quoiqu’il en soit, il y a un besoin de spiritualité et nous prenons conscience que ce ne sont pas les conditions matérielles de notre existence qui nous apportent le bonheur. Nous recherchons autre chose, mais peut-être avons-nous tendance à vouloir trop chercher par nous-mêmes (en lisant des livres, en consultant des sites Internet qui prétendent dire la vérité sur Dieu…) par des chemins compliqués et sans issue.
À Noël, nous célébrons une démarche totalement inverse. C’est Dieu qui prend l’initiative de venir vers nous en la personne de Jésus. C’est lui qui nous cherche, car il nous aime et veut nous donner la vie. Il veut nous mener vers le vrai bonheur. La seule chose qu’il nous demande c’est de l’accueillir, d’accueillir la Bonne Nouvelle de l’Évangile, de lui ouvrir la porte de notre cœur et de notre intelligence, de mettre en lui notre foi, c’est-à-dire notre confiance à savoir de croire que Jésus est bien celui que les prophètes avaient annoncé, que le dessein de Dieu est en train de se réaliser malgré ces ténèbres qui marquent le monde, de croire qu’il est venu nous sauver comme les anges l’annoncent : « Aujourd’hui est né un sauveur qui est le Christ. ».
Si Noël est une lumière au cœur de nos ténèbres, c’est justement par ce salut, car nous avons besoin d’être sauvés, particulièrement en ce moment. Il nous sauve maintenant, et aussi pour l’éternité.
Il nous sauve maintenant comme le dit si bien le prophète Ézéchiel « Je changerai votre cœur de pierre en cœur de chair. ». Il est vrai que ce cœur de pierre, nous pouvons l’avoir, un cœur dur, incapable de compassion, qui a des difficultés à aimer vraiment ; un cœur, aussi, qui peut être figé par la peur ou simplement par l’inquiétude par rapport à l’avenir. La peur rend dur, méchant et peut même aller jusqu’à la violence comme nous pouvons le constater notamment sur les réseaux sociaux. Jésus vient nous sauver en nous donnant un cœur de chair, un cœur dilaté par l’amour de Dieu grâce au don de l’Esprit Saint, un cœur rempli d’amour qui nous rend capables de demander pardon, de recevoir le pardon et de pardonner aussi, de nous réconcilier les uns avec les autres. Nous savons à quel point c’est important dans cette période de Noël, au sein de nos familles. Cela peut déjà tout changer dans nos relations familiales, professionnelles ou de voisinage. Avoir un cœur de chair, c’est avoir le souci des autres et notamment des plus pauvres. C’est une priorité aujourd’hui dans un contexte où beaucoup de personnes souffrent matériellement, mais aussi moralement et spirituellement.
Quand notre cœur est dilaté par l’amour de Dieu et que nous nous mettons au service des autres, nous trouvons une communion plus forte entre nous. En cette période où des divisions se renforcent, y compris en famille (par rapport au pass sanitaire, à la vaccination, aux sensibilités politiques ou religieuses…) avoir un cœur de chair permet aux divisions de s’estomper et la joie spirituelle prend le dessus lorsque nous nous intéressons aux autres, et en particulier aux plus pauvres.
Le Salut c’est pour maintenant en accueillant Jésus dans notre cœur, mais aussi pour l’avenir, car le Christ nous libère du mal et nous ouvre le chemin de la vie éternelle par-delà la mort. C’est une espérance qui est essentielle au fond de notre cœur, car elle change tout dans notre manière d’être, dans notre manière de concevoir l’existence et notre rapport avec les autres et nous fait de sortir de notre égoïsme et nous donne la joie de nous donner vraiment aux autres.
Alors, Frères et Sœurs, en cette nuit de Noël, peut-être sommes-nous venus de façon occasionnelle, ou pour accompagner nos enfants, ou par conviction profonde, mais, quel que soit notre chemin de vie, quelle que soit l’étape à laquelle nous en sommes dans notre foi, que notre cœur se dilate pour accueillir l’amour de Dieu qui se manifeste pleinement par la venue de Jésus en ce monde. Il vient nous sauver. Vous, moi ! Voilà cette grande lumière qui vient ce soir illuminer nos ténèbres. Qu’il nous remplisse de joie et d’espérance. Amen.
† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon