So 3, 14-18a; Ps Is 12 ; Ph 4, 4-7 ; Lc 3, 10-18
Frères et Sœurs,
En cette fête de saint Corentin, c’est un appel à la joie que Dieu nous adresse par les lectures de ce jour. Un appel qui peut nous paraître un peu décalé en cette période plutôt anxiogène. Pourtant, déjà le prophète Sophonie, qui nous appelle à la joie dans la première lecture, ne vivait pas dans une période idyllique. Les menaces de l’invasion assyrienne se faisaient de plus en plus inquiétantes à son époque, d’autant plus que la Samarie toute proche venait d’être envahie.
Sophonie appelle pourtant à la joie, et même une joie délirante, mais cette joie n’est pas celle de la sécurité et du bien-être. Il s’agit de la joie de la présence de Dieu en nous. Par deux fois, il insiste : « Le Seigneur est en toi. Tu n’as plus à craindre de malheur… Le Seigneur ton Dieu est en toi, c’est lui le héros qui apporte le salut. » Saint Paul aussi nous demande d’être « toujours dans la joie du Seigneur. »
Il y a donc une joie qui ne vient pas seulement des événements heureux de notre vie, mais qui vient de Dieu. Autrement dit, un don qui est à désirer et à accueillir dans la foi. Cette joie ne nous met pas à l’abri des difficultés de la vie, mais elle nous donne la grâce de ne pas baisser les bras et de rester fidèles dans notre engagement à la suite du Christ. Comme le dit saint Paul : « la paix de Dieu, qui dépasse tout ce qu’on peut concevoir, gardera vos cœurs et vos pensées dans le Christ Jésus. »
Nous vivons actuellement une période de l’histoire éprouvante, tant à l’intérieur de l’Église, avec les scandales révélés, que dans la vie du monde avec notamment cette pandémie qui n’en finit plus de nous affecter. Et cela dans nos activités et nos relations humaines les plus nécessaires : scolaires, familiales, professionnelles, associatives. Comment ne pas être découragé, au point de laisser la peur nous gagner et engendrer parfois du désespoir ou même de la violence ? L’appel de Sophonie à ne « pas laisser (nos) mains défaillir », et celui de saint Paul à accueillir la paix de Dieu, sont d’autant plus pertinents !
Dans l’Évangile de ce jour, Jean-Baptiste, prépare les cœurs à accueillir le Christ qui justement réalise pleinement l’appel de Sophonie. Par Jésus, Dieu vient dans notre humanité et il vient en nous. Par le baptême dans « l’Esprit Saint et le feu », Jésus nous donne la grâce de devenir ses frères et sœurs. Son feu divin vient nous libérer de nos péchés et nous purifier du mal. Un feu qui éclaire aussi par sa Parole de Vérité. Un feu qui, par son amour miséricordieux, réchauffe nos cœurs endurcis.
Comme le dit le pape François : « La joie de l’Évangile est celle que rien et personne ne pourra jamais enlever (cf. Jn 16, 22). Les maux de notre monde – et ceux de l’Église – ne devraient pas être des excuses pour réduire notre engagement et notre ferveur. Prenons-les comme des défis pour croître. » (EVANGELII GAUDIUM n° 84) Ah, comme cette parole est d’actualité, vraiment !
Cet appel à être toujours dans la joie du Seigneur est donc à accueillir comme une source de salut pour nous aujourd’hui. Et je dirai même une nécessité pour nous redonner la joie de l’espérance ! Et pour ne pas rester des paroles en l’air, nous devons nous demander ce que devons-nous faire pour cela. La Parole de Dieu de ce jour nous donne des pistes :
Premièrement, si le Christ est Celui qui réalise pleinement cette présence de Dieu en nous, alors, dans ce monde bouleversé, nous devons recentrer notre vie sur le Christ et sur sa Parole de vie. Il nous arrive si souvent de nous laisser abuser par de fausses vérités qui fleurissent sur les réseaux sociaux et que nous diffusons largement à nos amis.
Or, en remettant le Christ au cœur de notre vie, nous nous détournons de nos replis peureux ou égoïstes, et nous retrouvons la joie de nous engager résolument et généreusement pour le bien de tous. Et cela nous procure énormément de joie, même s’il y a de grands défis à relever, ne soyons pas naïfs !
Pour mettre le Christ au cœur de nos vies, saint Paul insiste sur l’importance de la prière et de la supplication pour faire connaître à Dieu nos demandes. Dans nos vies souvent bien chargées, le temps de la prière est un défi à relever, mais c’est une nécessité, car c’est par la prière justement que se tisse une relation, un lien d’amour avec le Seigneur. Prière et supplication donc, mais aussi action de grâce, nous dit saint Paul.
L’Action de grâce est un acte de foi. C’est reconnaître ce que Dieu accomplit dans notre vie personnelle, mais aussi dans la vie de l’Église et dans la vie du monde. Il ne s’agit pas de l’optimisme de celui qui voit le verre à moitié plein, plutôt qu’à moitié vide, c’est le fait de croire que Dieu agit et que son amour miséricordieux se manifeste vraiment dans notre vie. Et de savoir le remercier pour cela.
Hier, j’ai accueilli les catéchumènes adultes qui se préparent au baptême pour cette année dans tout le diocèse, et je suis dans l’Action de grâce lorsque j’entends leurs témoignages, la manière étonnante avec laquelle ils ont pu faire l’expérience de l’amour de Dieu dans leur vie, alors que, pour certains, ils en étaient apparemment très éloignés du fait de leur histoire personnelle. Dieu ne fait pas bruit, mais Il agit dans le cœur de beaucoup de personnes et il permet des rencontres salutaires. C’est bien cela le fruit de la prière à laquelle nous appelle saint Paul.
Deuxièmement, dans l’Évangile de ce jour, Jean-Baptiste prodigue des conseils à ceux qui se demandent ce qu’ils doivent faire pour accueillir le Christ. Il ne leur dit pas des choses extraordinaires, mais il leur demande de mettre la justice et la charité au cœur de leur vie. Pas l’une sans l’autre. De fait, comment pourrait-on faire l’expérience de la joie du Seigneur, tout en continuant à faire le mal ? C’est pourquoi le temps de l’Avent est un temps de conversion et de purification, mais aussi un temps de joie.
La période de Noël est un moment heureux pour nos familles, mais elle est aussi un défi pour notre charité, non seulement pour surmonter nos divisions familiales, mais aussi parce que beaucoup de personnes autour de nous manquent du nécessaire, pas uniquement sur le plan matériel, mais aussi justement, de justice et de charité, d’un peu d’humanité tout simplement. La Bonne Nouvelle se partage aussi en actes.
En ce pardon, confions à la prière de saint Corentin, notre pays qui vit cette année des échéances importantes. Confions-lui notre société, notre Église diocésaine dont il fut l’évêque, nos familles en cette période de Noël, afin que la paix de Dieu nous habite, puisque Jésus vient en nous. Qu’il nous mette dans la joie du Seigneur. Amen.
† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon