Jr 33, 14-16 ; Ps 24 (25) ; 1 Th 3, 12 – 4, 2 ; Lc 21, 25-28. 34-36
Frères et Sœurs,
La venue parmi nous des reliques de sainte Thérèse a été retardée en raison de la pandémie, mais finalement, c’est une bonne chose, car son message si fort vient nous réconforter à un moment où nous en avons bien besoin.
Jésus, dans l’Évangile de ce jour, évoque les signes qui accompagneront sa venue. Des signes affolants comme Jésus le dit lui-même : « Les hommes mourront de peur dans l’attente de ce qui doit arriver au monde, car les puissances des cieux seront ébranlées. » Comment ne pas penser à nos peurs d’aujourd’hui face aux changements climatiques, au défi de la pollution, aux famines et aux guerres qui provoquent de grandes migrations, et maintenant aussi à ce virus et ses conséquences désastreuses ?
Ces peurs provoquent de la désespérance dans la population, comme nous le voyons actuellement, par exemple, avec des jeunes qui renoncent à fonder une famille par peur de l’avenir, ou encore des personnes qui se referment sur leur vie personnelle en se désintéressant du bien commun. Des peurs qui provoquent aussi des divisions dans la société, mais aussi dans l’Église.
Jésus nous appelle d’abord à attendre et à espérer avec foi son Avènement glorieux. Un Avènement, qui verra s’installer de façon définitive un règne d’amour, de justice et de paix, où le mal aura été totalement éradiqué. Ce temps de l’Avent, comme son nom l’indique, est précisément ce moment favorable pour retrouver notre boussole chrétienne qui nous indique où nous allons avec le Seigneur Jésus. C’est une lumière qui brille dans notre « vallée de larmes » pour reprendre l’expression du Salve Regina.
« Redressez-vous, relevez la tête, car votre Rédemption approche », nous dit Jésus. C’est tout l’inverse de la peur qui engendre la violence et les divisions.
Dans la deuxième lecture, saint Paul nous éclaire sur la manière avec laquelle nous pouvons justement nous redresser et relever la tête en vue de l’Avènement du Christ. Je reprends ce passage : « Frères, que le Seigneur vous donne, entre vous, et à l’égard de tous les hommes, un amour de plus en plus intense et débordant… (…) Et qu’ainsi il affermisse vos cœurs, les rendant irréprochables et purs en sainteté devant Dieu notre Père, lors de la venue de notre Seigneur Jésus avec tous les saints. »
C’est bien cet amour qui, seul, est capable de nous redresser en nous libérant de toutes nos peurs. Pas n’importe quel amour, évidemment, celui qui nous est révélé par Jésus dans l’Évangile : appel à aimer nos ennemis, à pardonner en toutes circonstances et sans limites, à aimer notre prochain comme nous-mêmes.
C’est ce véritable amour que sainte Thérèse de l’ Enfant Jésus a reconnu comme sa véritable vocation. Elle l’exprime dans une lettre à sa sœur Marie du Sacré-Cœur où elle médite sur les chapitres 12 et 13 de la première lettre aux Corinthiens : « Je compris que si l’Église avait un corps, composé de différents membres, le plus nécessaire, le plus noble de tous ne lui manquait pas ; je compris que l’Église avait un Cœur, et que ce Cœur était brûlant d’amour. Je compris que l’Amour seul faisait agir les membres de l’Église, que si l’Amour venait à s’éteindre, les Apôtres n’annonceraient plus l’Évangile, les Martyrs refuseraient de verser leur sang… Je compris que l’amour renfermait toutes les vocations, que l’amour était tout, qu’il embrassait tous les temps et tous les lieux… ; en un mot, qu’il est éternel !… Alors, dans l’excès de ma joie délirante, je me suis écriée : Ô Jésus, mon Amour… ma vocation, enfin je l’ai trouvée, ma vocation, c’est l’amour !… »
Cette vocation à l’amour n’a pas été plus facile à vivre pour elle, même si elle vivait dans un couvent, bien au contraire. Elle raconte dans ses écrits autobiographiques à quel point elle a dû vivre un véritable combat spirituel face aux difficultés relationnelles qui ne manquaient pas dans sa communauté religieuse, mais aussi face à sa maladie qui engendrait de grandes souffrances qui ne pouvaient que la rendre irritable, ce qu’elle n’a pas été justement.
Elle nous dit deux choses importantes qui nous concernent. Tout d’abord que c’est l’amour qui fait battre le cœur de l’Église et que, sans cet amour, aucun de nous, quelle que soit notre vocation baptismale, ne peut grandir en sainteté et porter du fruit. Et donc, évidemment, que la vocation de sainte Thérèse, c’est aussi la nôtre ! C’est sans doute pour cela que sainte Thérèse est aimée et vénérée par tant de gens à travers le monde, même au-delà de nos cercles catholiques. Tout le monde peut se sentir attiré par sa vocation à l’amour telle qu’elle nous l’a fait connaître, c’est-à-dire un amour divin. Et c’est parce qu’elle a su tellement bien nous le faire découvrir, par ses écrits et par sa vie, qu’elle a été proclamée docteur de l’Église. Car elle nous enseigne ce qu’est vraiment l’amour de Dieu.
C’est pour être fidèle à cet amour que, dans l’Évangile de ce jour, Jésus nous appelle à nous tenir sur nos gardes. Il évoque un certain nombre de dangers qui nous guettent comme les « beuveries, l’ivresse et les soucis de la vie ». Mais nous pouvons en citer beaucoup d’autres qui sont très actuels, comme les violences verbales et les mensonges qui s’expriment sur les réseaux sociaux, les replis identitaires qui fragilisent la société et l’Église, ou encore les critiques systématiques, et souvent infondées, qui minent la communion.
J’ajouterai que le renouveau de l’Église, que nous commençons à vivre, suite aux révélations du rapport SAUVÉ, pourra vraiment aboutir si chacun vit pleinement cette vocation à l’amour divin où sainte Thérèse nous entraîne et s’engage résolument et fidèlement dans la vocation qui est la sienne, que ce soit prêtre, diacre, religieux, religieuse ou laïc. Vocations qui se complètent et s’enrichissent pour construire le Corps du Christ. C’est le but de la démarche synodale.
Jésus nous appelle à rester éveillés et à prier en tout temps. C’est bien la prière qui a permis à sainte Thérèse de tenir bon dans sa vocation à l’amour.
Frères et Sœurs, que ce premier dimanche de l’Avent soit pour chacun de nous et pour nos communautés, un bon temps de prise de conscience de ce que nous avons à changer dans nos comportements pour aimer vraiment, et aussi un temps où nous donnons plus de temps à la prière et à l’oraison.
Que la prière de sainte Thérèse de l’Enfant Jésus nous soutienne et que le témoignage extraordinaire de son amour nous stimule pour ce temps de l’Avent. Amen.
† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon