Je fais partie de la famille Charles de Foucauld puisque je suis membre de la Fraternité sacerdotale Jésus Caritas depuis 1988, même si je ne fais plus partie d’une fraternité de prêtres depuis que je suis évêque (2011).
Lorsque je suis entré dans cette fraternité, je connaissais très mal Charles de Foucauld, mais j’ai été attiré par la place qu’il donnait dans sa vie à la méditation de l’Évangile, l’oraison et surtout l’eucharistie. Il célébrait la messe mais prenait aussi du temps d’adoration. J’ai appris ensuite à le découvrir, en lisant des livres sur lui, mais aussi ses méditations, ses courriers dans lesquels il révèle la profondeur de sa foi.
Après une période monastique, il est devenu le curé des Touaregs. Pour nous prêtre, cela nous parle. Un vrai curé missionnaire, car il était au milieu de personnes qui n’avaient pas du tout la foi chrétienne. Il était cependant proche d’eux et même leur ami. Cela nous rejoint aujourd’hui dans ce que nous vivons comme baptisé et comme prêtre : nous sommes dans un monde qui n’est pas forcément chrétien et nous sommes appelés à rencontrer les gens et à vivre cette fraternité universelle qui a été pour Charles de Foucauld l’orientation de sa vie de prêtre. Je trouve qu’en cela, Charles de Foucauld est une belle image de ce que peut être notre vocation de disciple-missionnaire : Être proche du Christ par la prière, la méditation de la Parole de Dieu et par les sacrements, et être proche des gens pour leur manifester, par notre attitude et par notre témoignage de foi, l’amour du Christ et la Bonne Nouvelle du Salut.
Je trouve que le Bienheureux (et bientôt Saint) Charles de Foucauld est une belle figure de sainteté pour nous aider à vivre notre vie chrétienne et notre ministère de prêtre dans le contexte actuel.
† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon
« Faisons tout ce que demande de nous l’amour de Dieu, occupons-nous uniquement d’aimer, de remplir des devoirs de l’amour, de faire ce que l’amour de Dieu réclame de faire de nous » (Méditations sur l’Evangile, (1896-1915).
Je fais partie du groupe des 6 diacres permanents qui a été ordonné la dernière année de l’épiscopat de Mr Clément GUILLON, en 2007. Très vite pour nous, la dimension spirituelle du diaconat s’est imposée comme une évidence. Mais chacun d’entre nous avait ses préférences. Avec Claude, un des six, nous nous sommes décidés à mettre en pratique ce qui nous avait structuré pendant notre cheminement. Pour ma part, c’est en allant au repas d’ordination de Claude, qui nous a distribué la prière d’abandon de celui qui allait être reconnu comme le « frère universel », que s’est imposée cette idée de créer une fraternité séculière, dans sa mouvance spirituelle.
En effet, l’aventure diaconale est avant tout une aventure spirituelle et la figure de Charles nous a guidé et nous guide dans notre discernement quotidien, mais elle intéresse également tous les baptisés.
Il existait bien deux fraternités séculières dans notre Diocèse, mais elles avaient disparu. Nous avons commencé au début avec nos épouses, et une amie célibataire. Puis notre fraternité a accueilli plusieurs personnes, en couple ou non, intéressées par cette spiritualité. Nous sommes 11 actuellement.
Nos réunions mensuelles, qui ont continué malgré le confinement, grâce à la complicité de la plateforme ZOOM, nous permettent de nous rencontrer, d’échanger, de prier et de relire notre vie sous l’œil bienveillant du frère Charles. En général, nous prenons le temps de nous retrouver, d’échanger sur les points forts de notre vie, depuis la dernière rencontre, puis de nous laisser imprégner de l’Evangile, en utilisant la dynamique de la Lectio Divina. Avant le confinement, le repas fraternel nous réunissait à tour de rôle chez chacun. Enfin, nous restons attentifs à la lecture des textes de Charles de Foucauld que nous reprenons à chaque réunion. Il ne s’agit pas d’être des « disciples du maître », mais de relire les nombreux textes de celui qui voulut « être à la dernière place », ce qui nous paraît important pour des baptisés, a fortiori pour des diacres. La réunion se termine par la prière d’abandon .
Notre fraternité, qui fait partie d’un mouvement international, national et régional, rencontre également une fois par an les fraternités sacerdotales du Diocèse pour un échange, qui nous permet de nous rendre proches de nos frères prêtres.
Vous me demandez de parler de notre vie à la suite de Jésus en s’inspirant de la vie de frère Charles de Foucauld ! Je ne vais peut-être pas vous parler de choses extraordinaires, car justement il s’agit pour nous d’essayer de vivre l’ordinaire du quotidien. Etre là, parmi les gens, parmi des personnes qui sont souvent en marge dans notre monde, que ce soit en France ou dans bien des pays.
Cela va faire 10 ans que notre fraternité de 3 frères vit ici au 5ème étage d’un immeuble dans un quartier populaire de Lille, à 90% musulman parait-il. Des blocs d’immeubles posés les uns à côté des autres où règne tant de peur et d’isolement. Le trafic de drogue est bien réputé et la violence parfois s’embrase, comme cet incendie d’école qui a fait le tour des informations encore la semaine dernière. On se sent bien démuni parfois. Un jour des dealers arrivèrent dans notre cage d’immeuble et restèrent plusieurs mois pour y faire de la vente. J’avais alors pris l’habitude de sympathiser avec un de ces jeunes, habitant juste en dessous de notre appartement. Après 3 mois où je ne le revis plus je m’étonnais de le retrouver dans nos escaliers. Il me répondit qu’il revenait de prison. Il m’invita alors à boire un verre chez lui. Il m’expliqua combien il avait bien profité de ce temps en prison pour refaire son réseau ! Je m’interrogeai alors du bien-fondé de la prison et de son enthousiasme d’avoir pu faire cette expérience ! A la fin de la conversation il me confia finalement sa honte de faire ce travail, surtout devant son petit garçon. Et avec une certaine tristesse me dit « je ne veux pas que mon fils devienne comme moi, je vais chercher à me ranger ». Finalement il prendra 3 ans de prison quelques semaines plus tard. On se sent bien démuni parfois. Frère Charles parlait alors de «l’apostolat de la bonté ». C’est peut-être cela qui nous anime ; être là avec nos voisins et témoigner de l’Amour du Christ par des relations simples et vraies. Ce sera un échange de salutations, de nouvelles, d’un couscous, d’un coup de main… Tout est là pour témoigner combien Dieu nous aime tel que nous sommes et veut rassembler ses brebis avec nos différences. Chaque jour nous prenons le temps de déposer tout cela devant le Seigneur. Nous cherchons ce cœur à cœur avec Jésus pour qu’il vienne nous consoler et nous montrer le chemin à suivre. La présence de Jésus à la chapelle nous invite à vivre pleinement cette communion avec nos voisins.
A la manière de frère Charles nous voulons orienter notre vie inspirée par ces 30 années de Jésus à Nazareth. Ainsi comme il l’a sans doute été pour Jésus, le travail façonne nos journées. Dans notre fraternité à Lille nous avons la chance d’avoir tous les 3 un travail, Gianluca est brancardier, Christophe fait de l’accompagnement scolaire et moi je suis dans une baraque à frites, appartenant à l’association Magdala, dans l’objectif d’insérer des personnes loin de l’emploi et qui ont souvent eu un parcours de rue. Cinq personnes en insertion sont embauchées. Je contemple la vie de ces personnes avec des parcours si difficiles et qui ont la force de se battre pour essayer de retrouver un boulot, une place, une dignité. Quelle résilience ! Romuald fait partie de l’équipe. Il y a quelques temps on lui a trouvé un stage dans l’agglomération Lilloise. Il me raconta plus tard combien il a eu tellement peur de ne pas être à l’heure à son premier jour de stage qu’il a préféré dormir dehors devant les grilles de l’entreprise. Des histoires comme celle-là mon cœur en est rempli. Je me sens bien petit devant ces personnes. J’essaye d’être là pour les accompagner dans cette longue traversée du désert qu’ils ont à vivre pour un jour j’espère atteindre une certaine terre promise.
Oui on pourrait définir le quartier et le travail comme notre cloître, lieu de notre vie contemplative d’un Dieu qui s’est fait Homme dans toutes ses dimensions. Notre vie est faite de beaucoup de banalités mais quelle joie et quelle chance de vivre cette grande aventure qui bien des fois a quelque chose d’extraordinaire.
La Fraternité Jésus Caritas. Un Institut Séculier, le « levain dans la pâte » comme le dit J P II, « l’Eglise en Sortie », comme la souhaite, le pape, François. Une fraternité de Vie Consacrée, vie fraternelle mais sans vie communautaire. La FJC a sa place dans la grande famille de ceux qui veulent suivre Jésus dans l’Esprit de Charles de Foucauld. Mais pour moi, pourquoi Charles de Foucauld ?
Dès son 1er voyage à Nazareth, en 1888, Charles de Foucauld, est fasciné, par le mystère de l’Incarnation, par cette bourgade de Nazareth, lieu humble, pauvre et caché où Jésus a vécu pendant 30 ans, où il a commencé sa mission de Sauveur. Mais sa manière de vivre « comme Jésus à Nazareth » va beaucoup évoluer au cours de sa vie. C’est l’Esprit qui va le mener finalement jusqu‘à Tammanrasset au milieu des Touaregs. « Ta vie de Nazareth, peut se mener partout, mène là au lieu le plus utile pour le prochain » finira t’il par dire. Le prochain… ! Se faire « proche »…A Rennes, je vis actuellement dans un quartier avec une grande mixité sociale. Aucun des enfants de l’aide aux devoirs de l’école voisine ne parle français à la maison. Que c’est difficile d’entrer en contact avec ces familles, qui n’ont pas grand désir de s’intégrer, avec ces enfants qui refusent d’être français alors qu’ils sont nés en France. Le désir de ‘fraternité’ avec les voisins en prend un sérieux coup ! Cela rejoint pour moi ce mystère de Gratuité, de grande patience qu’à voulu vivre Frère Charles. Gratuité pour Dieu – l’adoration, Eucharistie – l’Adoration est un acte de justice élémentaire disait M. Delbrêl disciple à sa manière de Charles de Foucauld. Gratuité pour le frère aussi…pour moi vécue de manière variée : par le biais du CCAS et du Conseil Municipal de ma commune pendant 2 mandats . Aussi en accompagnant ces familles très aisées des Yvelines dont les enfants venaient dans ma classe « maternelle ». .Que de pauvretés cachées souvent dans ces familles. Enfin auprès du monde du handicap, des sourds et malentendants à la suite d’une surdité survenue il y a plus de dix ans.
La récente pandémie, m’a fait redécouvrir quelques aspects de la spiritualité de Fr Charles qui m’interpellent : Comme pour Fr Charles qui ne pouvait célébrer l’Eucharistie à Tammanrasset, je découvre, dans une perspective eucharistique, le sacrement du Frère.
“ Tout ce que vous faites à l’un de ces petits, c’est à moi que vous le faites”, dit Jésus. Il n’y a pas, je crois, de parole de l’Évangile qui ait fait sur moi une plus profonde impression et transformé davantage ma vie » écrit Frère Charles qui passe alors de l’Eucharistie à une vie Eucharistique et de l’exposition du St Sacrement à une vie exposée . cf Mgr Boulanger « La prière d’abandon, DDB »
Et alors qu’il n’y avait plus aucune vie paroissiale, j’ai redécouvert, la lectio divina que Fr Charles a beaucoup pratiquée.
La vie en Institut séculier est une vie assez casse-cou ! il faut vraiment le secours de l’Esprit, des sacrements, des temps de désert, pour garder le cap…Il faut surtout « « s’abandonner »…A travers la perte de ses parents étant enfant, Fr Charles a vécu un sentiment d’abandon, de fragilité…Et il a découvert après bien des erreurs de jeunesse, l’immense miséricorde de Dieu. Ne pas craindre donc… « Mon père, je m’abandonne à toi ».
Sylviane T