Jb 38, 1.8-11 ; Ps 106 ; 2 Co 5, 14-17 ; Mc 4, 35-41
Frères et Sœurs,
Chers Auditeurs, qui nous écoutez sur la radio RCF,
Cher Laurent,
Dans quelques instants, tu vas être ordonné prêtre pour le diocèse de Quimper et Léon et tu as choisi de garder les textes qui nous sont proposés pour la liturgie de ce 12e dimanche du temps ordinaire. La mer et la tempête, ce sont des images qui nous parlent dans un diocèse où la plupart des paroisses ont une bordure maritime !
La barque des apôtres, secouée dans la tempête est une image traditionnelle de l’Église depuis son origine. Elle est en effet très parlante ! Durant déjà deux millénaires, l’Église a toujours été secouée, de l’extérieur déjà, par des vagues successives et nombreuses : les guerres, les persécutions, les invasions barbares. Mais elle se remplissait d’eau aussi à l’intérieur, par les hérésies, les schismes, mais aussi par le péché de ses membres et les divisions qu’ils provoquent, comme nous pouvons le constater encore.
Jésus intervient pour son Église : « Silence, tais-toi ! » dit Jésus, « le vent tomba et il se fit un grand calme. » Nous discernons dans ce calme, les fruits de l’Esprit Saint, tels que saint Paul les décrit dans sa lettre aux Galates avec la paix, la patience, la fidélité, la maîtrise de soi… (Cf Ga 5, 22-23). Mais pour qu’il puisse intervenir, Jésus appelle ses disciples à croire en lui. On remarque d’ailleurs que pour Jésus, le contraire de la foi, ce n’est pas le doute, qui touche aussi de grands saints lorsqu’ils expriment « la nuit de la foi » qu’ils ont pu vivre, mais c’est la peur : « Pourquoi êtes-vous si craintifs ? N’avez-vous pas encore la foi ? ».
La peur est un manque de confiance en Dieu, car nous devrions toujours avoir à l’esprit qu’aucune puissance maléfique, ni les forces de mort, ne pourront empêcher son dessein de Salut de se réaliser, son Royaume éternel de se construire. Comme l’exprime si bien le livre de Job à propos des flots qui représentent les forces maléfiques : « Tu viendras jusqu’ici, tu n’iras pas plus loin, ici s’arrêtera l’orgueil de tes flots ! ».
Nous pouvons avoir peur, c’est humain, face à l’évolution du monde et ses dérives. Notamment face aux grands défis que nous avons à surmonter pour protéger la Création et la dignité de la personne humaine qui sont les grandes tempêtes de notre temps.
Comme nous y invite Jésus, nous avons à surmonter cette peur par la foi. La foi, ce n’est ni de la naïveté ni de l’aveuglement, c’est au contraire une grande lucidité qui nous permet de voir au-delà des apparences trompeuses, car le Seigneur nous guide vers la vérité tout entière.
Nous avons à vivre des conversions à tous les niveaux, au nôtre d’abord, et nous avons aussi une parole prophétique à donner ! Et, c’est bien par la foi que nous pouvons être fidèle à notre vocation de baptisé en restant debout dans la tempête, en sachant discerner ce que le Seigneur attend de nous et à nous y engager résolument, sans avoir peur.
Jésus appelle ses disciples à lui faire confiance, car la foi est certes un don de Dieu, mais elle est aussi une adhésion libre de notre part comme l’exprime si bien saint Paul dans la 2e lecture : « … le Christ est mort pour tous, afin que les vivants n’aient plus leur vie centrée sur eux-mêmes, mais sur lui, qui est mort et ressuscité pour eux. » Cet appel concerne tous les baptisés, bien sûr, car nous avons toujours à centrer notre vie sur le Christ.
Mais pour toi, Laurent, qui vas être ordonné prêtre, l’exigence est d’autant plus forte que tu vas être configuré au Christ Pasteur et tu auras justement la responsabilité d’exhorter et d’aider les baptisés à mettre le Christ au centre de leur vie quotidienne, notamment dans cette période marquée par la pandémie où la peur gagne même les fidèles les plus solides en raison de toutes les interprétations que l’on peut en faire.
Laurent, souviens-toi toujours de la question posée par Jésus à Pierre à la fin de l’Évangile selon saint Jean : « Pierre m’aimes-tu ? (…) M’aimes-tu vraiment ? (…) Sois le berger de mes brebis. » (cf. Jn 21) C’est en faisant grandir l’amitié avec Jésus que notre ministère peut vraiment refléter son visage vis-à-vis des personnes, nombreuses et parfois blessées, que nous sommes appelés à rencontrer quotidiennement.
Tu sais très bien comment tu peux mettre vraiment le Christ au cœur de ta vie. Par la prière bien sûr. Tu es déjà fidèle à la Liturgie des Heures, à l’oraison, à la messe quotidienne, mais aussi à la méditation de la Parole de Dieu qui est à la base de notre prédication, de nos enseignements, de nos formations. Bref, de tout notre ministère. Comme dit le pape François : « Il est indispensable que la Parole de Dieu devienne toujours plus le cœur de toute activité ecclésiale » (EVANGELII GAUDIUM n° 174). Tu en fais déjà l’expérience qui va prendre une dimension nouvelle avec l’ordination.
Cher Laurent, en étant ordonné prêtre, tu vas devenir mon collaborateur dans le sacerdoce et tu vas porter avec moi et le presbyterium les trois charges de la mission ecclésiale : l’Annonce de l’Évangile, la Sanctification du peuple chrétien et le Gouvernement de l’Église. Ces charges traditionnelles ne changent pas, mais c’est le monde qui change et qui nous pousse à les vivre de façon sans cesse renouvelée. C’est pourquoi nous avons entrepris avec le presbyterium de Saint-Brieuc ce travail sur « le renouveau du ministère presbytéral » auquel tu vas être associé désormais.
Il y a maintenant beaucoup de gens, même en Bretagne, qui n’ont jamais entendu parler du Christ ou qui en ont une connaissance partielle ou déformée. C’est donc la Première annonce qui se généralise dans tous les actes de notre ministère. N’aie pas peur de ce contact auprès de personnes qui, sans avoir eu de catéchèse dans leur enfance, peuvent être habitées par la soif d’en savoir plus sur la foi chrétienne. Et nous constatons que lorsqu’ils ont découvert que l’Évangile était vraiment une Bonne Nouvelle pour eux, ils expriment le désir de s’y engager et ils éprouvent la joie de vivre en amitié avec le Christ. Les nombreux catéchumènes, jeunes et adultes, que nous accompagnons en sont le signe.
La célébration des sacrements est aussi marquée par ce manque de transmission de la foi en famille. Beaucoup demandent le baptême pour leur enfant ou le mariage sans connaître la grandeur de ce qu’ils viennent célébrer, mais c’est une belle occasion pour l’Église d’aider parents et enfants à faire un bout de chemin pour grandir dans la foi et être sanctifiés par les sacrements.
Nous allons être stimulés pour cela durant les trois prochaines années, avec la démarche synodale diocésaine : « Devenir chrétien en famille. » Tu as déjà révélé dans ton ministère diaconal ce charisme de l’accompagnement des personnes, en particulier de celles qui sont plus fragiles et auxquelles tu es particulièrement sensible.
Enfin le gouvernement de l’Église ne se conçoit pas comme celui du monde. À la suite de l’apôtre Pierre, tu deviens avec l’Évêque, « le “rocher” (cf. Mt 16, 18), celui qui doit “confirmer” les frères dans la foi (cf. Lc 22, 32). Mais dans cette Église, comme dans une pyramide renversée, le sommet se trouve sous la base. », comme dit le pape François. Le Christ a montré l’exemple en lavant les pieds de ses disciples. Tu vivras ton beau ministère sacerdotal comme un service rendu à tes frères en les rassemblant, en les sanctifiant par les sacrements et en les encourageant à se laisser conduire par l’Esprit Saint.
Cher Laurent, l’Église de Quimper et Léon est heureuse de te recevoir comme prêtre et c’est dans la prière que nous allons maintenant accueillir le don de Dieu pour toi, et pour l’Église que tu es appelé à servir. Amen.
1 Commémoration du 50e anniversaire de l’institution du Synode des Évêques — Discours du pape François — samedi 17 octobre 2015
† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon