Ac 4, 8-12 ; Ps 117 ; 1Jn 3, 1-2 ; Jn 10, 11-18
Frères et Sœurs,
Après avoir vécu des siècles dans un régime de chrétienté où l’Église organisait toute la vie sociale — et ici en Bretagne, c’était très fort, nos belles traditions le révèlent encore — nous vivons désormais dans une société mondialisée où se côtoient toutes les religions, toutes les cultures, et, inévitablement, aussi toutes sortes de spiritualités.
Là-dessus se développe aussi une mentalité plus personnelle que collective qui fait que beaucoup de gens prennent un peu de l’une ou de l’autre pour se construire leur propre croyance. Comme on l’entend parfois : « moi j’ai une croyance qui me correspond et qui n’est liée à aucune religion. » ou bien « moi, j’ai ma religion à moi ! »
C’est en pensant à cela que je méditais la parole de saint Pierre dans la première lecture, où il s’adresse aux chefs du peuple et aux anciens à Jérusalem : « Ce Jésus est la pierre méprisée de vous, les bâtisseurs, mais devenue la pierre d’angle. En nul autre que lui, il n’y a de salut, car, sous le ciel, aucun autre nom n’est donné aux hommes, qui puisse nous sauver. »
Une pierre angulaire, c’est bien sur elle que viennent se fixer solidement les pierres vivantes que nous sommes pour former un ensemble cohérent. C’est en étant attachés au Christ que nous sommes sûrs de rester dans la vérité et d’éviter de nous perdre dans un vagabondage spirituel qui est très développé aujourd’hui comme je l’ai dit.
Et saint Pierre dit bien que c’est le seul moyen d’être sauvé, c’est-à-dire délivré du péché et de la mort éternelle. En étant unis au Christ, la pierre angulaire, par notre foi et par notre vie, nous sommes vraiment des « enfants de Dieu » comme dit saint Jean dans la deuxième lecture, même si « ce que nous serons n’est pas encore manifesté ». Et il ajoute : « Nous le savons : quand cela sera manifesté, nous lui serons semblables car nous le verrons tel qu’il est. » C’est notre espérance, une espérance qui est si importante dans le contexte anxiogène qui est le nôtre actuellement avec la pandémie. L’espérance de vivre avec le Christ pour toujours nous libère de nos peurs et de nos angoisses pour nous ouvrir aux autres et nous rendre plus charitables, au sens fort du terme, dans l’attention aux autres et la solidarité.
Tout ce que je viens de dire donne sens à cette Journée Mondiale des Vocations. Dieu nous aime et il nous appelle tous à donner notre vie pour les autres, comme le Christ. Chacun selon notre vocation. Parmi ces vocations, celle du prêtre est très particulière puisque, par son ordination, il est configuré au Christ Pasteur. Autrement dit, pas seulement disciple, comme tous les baptisés, mais aussi Bon Pasteur à l’égard de tous.
Bien sûr il n’en est pas moins baptisé comme les autres, appelé à la sainteté, mais il est aussi au service du peuple de Dieu qui lui est confié par le Christ. Il peut dire à la manière de saint Augustin : « Avec vous je suis chrétien, pour vous je suis prêtre. » Ainsi, au nom du Christ, le prêtre annonce l’Évangile, sanctifie les fidèles par les sacrements et conduit le peuple de Dieu en aidant chacun à rester fermement attaché au Christ, la pierre angulaire.
L’image du Bon Pasteur dans l’Évangile de ce jour est très parlante pour nous aider à mieux comprendre ce qu’est un prêtre. Cela peut d’ailleurs corriger les idées fausses que nous pouvons nous faire sur cette vocation, notamment le cléricalisme dont on parle beaucoup en ce moment ! Même si le prêtre n’est pas parfait et a sans cesse à se convertir évidemment. Nous pouvons repérer quatre aspects :
D’abord Jésus nous dit : « Moi je suis le bon pasteur, le vrai berger, qui donne sa vie pour ses brebis. » De fait, comme le Christ, le prêtre est appelé à donner entièrement sa vie pour ceux qui lui sont confiés. C’est pour cela qu’il est célibataire. C’est sa vie entière qui est consacrée à sa vocation. Il n’est pas prêtre pour lui-même, pour son intérêt personnel. Il n’y a pas d’intérêt personnel à être prêtre sinon d’être comblé de la joie spirituelle d’avoir été appelé et de se donner par amour. Et cela comble vraiment une vie !
Deuxièmement, Jésus dit : « Je connais mes brebis et mes brebis me connaissent… ». Le terme « connaître » exprime ici l’amour que le Christ a pour nous. Quand un prêtre est nommé quelque part, il s’efforce de manifester l’amour du Christ au peuple qui lui est confié. Il le fait avec ses limites humaines évidemment, mais, même s’il n’a pas forcément d’affinité avec tout le monde, il s’efforce d’aimer et de servir afin d’être le Bon Pasteur que le Christ attend de lui.
Troisièmement Jésus dit : « J’ai encore d’autres brebis, qui ne sont pas de cet enclos : celles-là aussi, il faut que je les conduise. » Le prêtre est le Bon Pasteur non seulement pour ceux qui sont déjà chrétiens, mais pour tous les habitants de sa paroisse et même au-delà. C’est la dimension missionnaire de son sacerdoce. Le Christ est venu sauver tous les hommes, quels qu’ils soient. Le prêtre en a le souci, et aussi celui d’encourager les fidèles à être eux-mêmes disciples-missionnaires.
Quatrièmement, une des grandes missions du prêtre est l’unité de son peuple : « Il y aura un seul troupeau, un seul pasteur », dit Jésus. C’est le Démon, c’est-à-dire le Diviseur, qui cherche au contraire à empêcher cette communion. « On reconnaîtra que vous êtes mes disciples à l’amour que vous aurez les uns pour les autres. », nous dit Jésus (Jn 13, 35).
Et les communautés chrétiennes, malheureusement, sont bien touchées par ce travers ! Soyons vigilants pour ne pas être nous-mêmes complices, même inconsciemment, de cette division… parfois même en croyant bien faire pour défendre ce que nous croyons être la vérité !
C’est lorsque la Communauté est unie, et que le prêtre est accepté et reconnu dans sa vocation, que cela fait naître de nouvelles vocations parmi les jeunes. C’est pourquoi en priant pour les vocations, nous demandons au Seigneur de nous convertir pour que nous soyons, avec nos prêtres, des acteurs de la communion en nous laissant conduire par l’Esprit saint sans lequel rien n’est possible.
Prions aussi pour être capable de témoigner auprès de nos enfants et de nos jeunes qu’il y a vraiment de la joie à être prêtre lorsque le Seigneur nous appelle, et que ce ministère sacerdotal est vraiment vital, non seulement pour l’Église, mais pour toute la société. Il y a beaucoup de générosité chez les jeunes aujourd’hui. Encore faut-il les aider à discerner leur vocation et les encourager à y répondre. Amen.
† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon