Un beau chant à l’Esprit Saint pour la fête de Pentecôte
« Viens, Esprit Saint, en nos cœurs, et envoie du haut de ciel un rayon de ta lumière ». Ce sont les paroles de la « séquence » de Pentecôte, c’est-à-dire de l’hymne à l’Esprit Saint chanté entre la deuxième lecture et l’alléluia introduisant à l’évangile lors de la messe du dimanche de Pentecôte.
Il est bien sûr toujours possible de les chanter en latin : Veni Sancte Spiritus… Mais le beau cantique Spered Santel, Spered a sklêrijenn pourrait aussi être chanté comme chant à l’Esprit Saint : à la place de la « séquence » avant l’évangile ; ou encore à l’offertoire, ou après la communion.
Spered Santel, Spered a sklêrijenn, Plijet ganeoc'h ennom bremañ diskenn, A sklêrijenn kargit or sperejou, A garantez tommit or c'halonou. An Ebestel, en eur zal unanet, Gand nerz ho kras ho peus bet entanet ; Ra vo 'vidom kén braz ho madelez, Hebdoc'h ne d-om nemed sempladurez. E plas an droug, lakit ennom ar peoc'h Hag or c'halon a vo demeurañs deoc'h; Bezit ennom eienenn or buez, Sankit ennom tommder ho levenez. Gwerhez Vari, esperañs ar peher, Pedit Jezuz, ho Mab hag or Zalver ; Grit d'or spered kompren komzou Doue, Ha d'or c'halon o mired goude-ze.
Esprit-Saint, Esprit de lumière, Qu'il vous plaise maintenant de descendre en nous, De votre lumière comblez nos intelligences, Et de charité réchauffez nos cœurs. Les apôtres, en une salle assemblés, Par la puissance de votre grâce vous les avez enflammés ; Que pour nous soit aussi grande votre bonté, Sans vous, nous ne sommes que faiblesse. Au lieu du mal, mettez en nous la paix Et notre cœur sera votre demeure; Soyez en nous la source de notre vie, Plantez en nous la chaleur de votre joie. Vierge Marie, espérance du pécheur, Priez Jésus, votre Fils et notre Sauveur ; Que notre intelligence comprenne les paroles de Dieu, Et que notre cœur les garde ensuite.
Dans les anciens recueils de Kantikou, le cantique Spered Santel figurait sous le titre : Araok ar Brezegenn (avant la prédication, le sermon). Lors des missions paroissiales, jadis, le prédicateur et ses auditeurs étaient ainsi invités à se laisser toucher par l’Esprit Saint pour mieux aimer Jésus et leurs prochains.
L’auteur de ce cantique n’est pas connu. Mais celui-ci ne remonte sans doute pas avant les premières années du XIXe siècle, puisqu’on le trouve pour la première fois dans le recueil Canticou spirituel de Saint-Brieuc, publié en 1814 aux éditions Prudhomme. Dans les recueils de Quimper, il ne paraît que plus tard, en 1833 [1]. On notera sa parenté musicale avec le cantique Adoromp oll [2].
Le texte ancien diffère de l’actuel en deux points :
D’abord, au lieu du vers : Plijet ganeoc’h, etc., il portait : Deut, bisitit ho cuir servicherien (Viens, visitez vos vrais serviteurs). De plus, à la suite de la deuxième strophe (D’an ebestel…), il en comprenait quatre autres, qui ont été supprimées. Deux couplets se rapportaient aux conférences et explications des tableaux de mission (taolennou) ; et les deux autres, destinées à être chantées après la prédication, étaient une prière d’action de grâces pour les bienfaits de la parole de Dieu.
Ces transformations furent faites par le P. Yves Rot, sj, lorsqu’il publia en 1855 son recueil (Canticou spirituel evid ar Missionou, ar Retrejou, etc. approuvet gant aotrounez ann eskibien a Ghemper hac a Zant-Briec, Quimper, E. Blot, 1855). La partie supprimée fut remplacée par une strophe nouvelle : Guerc’hez Vari, esperans ar pec’her, etc.
La deuxième strophe fut retouchée en 1942 par l’abbé Pierre-Jean Nédélec, à l’occasion de la publication des Kantikou brezonek eskopti Kemper ha Leon.
Les paroles étaient jusqu’alors :
« Ann Ebestel, enn eur zal asamblet,
A dan ho kras oc’h euz bet holl karget
Bet evidomp ar memes madelez,
Ne d-oun, siouaz ! nemet sempladurez. »
(Les apôtres, en une salle assemblés,
Du feu de votre grâce ont tous été remplis
Que soit pour nous la même bonté,
Je ne suis, hélas, que faiblesse).
(en italiques, les mots qui ne figurent plus dans la version actuelle).
Comme on peut le remarquer, le mot asamblet qui trahissait son origine française a été remplacé par unanet, mais esperans a été conservé (peut-être en raison du nombre de pieds). La syntaxe a également été simplifiée pour plus de clarté. Ainsi, a dan … karget, devenant gand nerz … entanet. Et la forme ne d-oun (sans doute une erreur pour ne d-oum(p), puisque la ligne précédente utilisait la première personne du pluriel et non celle du singulier), modifiée : hebdoc’h (sans vous), ne d-om (nous ne sommes).
Dans les autres strophes, l’abbé Nédélec – qui était bigouden – a « standardisé » (mis en breton KLT) en kalon, kompren, les « léonardismes » kaloun, koumpren (et transformé le vieil infinitif miret en mirout selon les règles définies par Le Gonidec et ses disciples).
Ainsi retouché, le cantique Spered Santel est devenu un magnifique cantique pour la Pentecôte, les confirmations, et les réunions de prière.
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[1] RP. Jean Bourdoulous, sj, « Etude historique sur les cantiques bretons », Feiz ha Breiz 1906, n°11 p. 336-337.
[2] Abbé René Abjean, cité par Fañch Morvannou, Kanennoù ar feiz. Les chants de la foi, Paris, éditions du Layeur / Notre Histoire, 1998, p. 46.