Gn 22, 1-2.9a 10-13.15-18 ; Ps 115 ; Rm 8, 31b-34 ; Mc 9, 2-10
Homélie retranscrite à partir d’un enregistrement
Frères et Sœurs,
Nous accueillons ce texte de la Transfiguration dans le contexte actuel qui est particulièrement éprouvant et angoissant. Je ne parle pas seulement de la pandémie qui nous fait éprouver notre vulnérabilité, mais aussi les grands défis qui nous paraissent insurmontables : la pollution, le réchauffement climatique, sans parler des dérives sociétales. Tout cela mettant un grand point d’interrogation sur l’avenir de notre humanité.
Il me semble que ce récit de la Transfiguration nous donne des clefs, non pas pour résoudre nos problèmes, mais pour garder la tête haute et nous permettre d’être des sources de vie et d’espérance pour notre société.
On peut se demander pourquoi Jésus a voulu permettre à ces trois disciples de vivre cette expérience spirituelle. Une expérience qui anticipe la Résurrection, comme l’exprime clairement saint Marc. Jésus a-t-il voulu renforcer la foi des disciples alors qu’il savait que son arrestation et sa mort sur la croix allaient être pour eux une épreuve terrible ? Leur montrer aussi que la Croix était un passage obligé, mais qu’il menait à la Résurrection, cœur de l’espérance chrétienne.
Pourtant, cela n’a pas suffi puisque saint Marc dit qu’ils ne comprirent pas ce que voulait dire « ressusciter d’entre les morts ». Et, de fait, c’est seulement après la Résurrection qu’ils vont enfin comprendre. Cette épreuve de la croix, nous la vivons, nous aussi, dans notre humanité souffrante, et, comme Pierre et ses compagnons, nous avons besoin que Dieu nous révèle ce qui doit habiter notre cœur et nous guider.
Dans sa 2e lettre, saint Pierre fait une relecture de cet événement qui l’a profondément marqué et voici ce qu’il en dit :
« Cette voix venant du ciel, nous l’avons nous-mêmes entendue quand nous étions avec lui sur la montagne sainte.
Et ainsi se confirme pour nous la parole prophétique ; vous faites bien de fixer votre attention sur elle, comme sur une lampe brillant dans un lieu obscur jusqu’à ce que paraisse le jour et que l’étoile du matin se lève dans vos cœurs. » (2 P 1, 17-19)
Dans la période de crise que nous traversons, nous pouvons recevoir comme essentielle cette invitation à « fixer [notre] attention » sur cet événement de la Transfiguration et ce qu’il nous révèle : une parole de vie, une lumière qui éclaire le chemin obscur, avec en perspective l’Avènement glorieux de notre Seigneur et Sauveur Jésus Christ.
Je relève trois aspects qui sont éclairants pour aujourd’hui et sur lesquels nous pouvons justement fixer notre regard :
Tout d’abord, l’apparition de Moïse et d’Élie qui sont en conversation avec Jésus nous rappelle que Dieu a un projet de Salut pour l’humanité. À l’appel de Dieu, Moïse a arraché son peuple de la servitude pour le conduire, à travers le désert, vers la Terre promise. Il a reçu la Loi divine et l’a transmise à son peuple.
Élie représente le courant prophétique. À savoir que Dieu, dans l’histoire, a appelé des hommes pour parler en son nom, inviter le peuple à la conversion et le remettre sur le chemin de la vie.
Le fait qu’ils s’entretiennent avec Jésus montre qu’il y a une connivence entre eux. La présence de Jésus apparaît ici comme l’accomplissement de l’œuvre de Salut. Comme le dit saint Paul dans la deuxième lecture : « [Dieu] n’a pas épargné son propre Fils, mais il l’a livré pour nous tous : comment pourrait-il ne pas nous donner tout ? » La victoire définitive de Jésus sur le mal et la mort a ouvert cette étape que nous sommes en train de vivre de l’ultime combat de l’humanité, « jusqu’à ce que paraisse le jour et que l’étoile du matin se lève dans vos cœurs. », comme le dit saint Pierre.
Il me semble que dans le contexte actuel plutôt anxiogène, il est plus que jamais nécessaire de méditer sur l’histoire du Salut, comme nous sommes invités d’ailleurs à le faire pendant le temps du Carême. Nous devons toujours garder dans notre cœur le fait que rien ni personne ne peut empêcher l’œuvre de Dieu de se réaliser dans notre monde. Mais nous devons nous convertir pour être, avec le Christ, acteurs de cette œuvre de Salut et non pas des spectateurs.
C’est ce que nous demande la voix divine à la Transfiguration, et c’est mon deuxième point : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé : écoutez-le ! » Donc d’abord un appel à la croire en Jésus. À le reconnaître non seulement comme un modèle à imiter, mais comme Dieu, le Fils qui nous révèle le Père. Nous devons plus que jamais fixer notre attention sur lui, comme nous y invite saint Pierre, parce qu’il est Celui qui peut nous sauver de toutes nos misères actuelles.
Cette invitation à l’écouter, ne signifie pas seulement d’entendre la parole de Jésus, mais de s’engager à sa suite. Comme nous l’avons lu dans la première lecture de la Genèse lorsque Dieu dit à Abraham : « puisque tu as écouté ma voix… ». Or ce dernier a manifesté la foi la plus pure, celle qui l’a rendu capable non seulement d’écouter Dieu, mais aussi de donner son propre fils, son fils unique, ce qu’il avait de plus cher au monde. Chez Abraham, nous voyons que la foi lui a permis de prendre au sérieux la parole de Dieu et de lui offrir sa vie. Et cela a été source d’une grande fécondité.
Nous devons croire que notre foi en Jésus, le Sauveur du monde, et notre engagement à sa suite, est d’une grande fécondité pour notre humanité. Comme le dit Dieu à Abraham : « Puisque tu as écouté ma voix, toutes les nations de la terre s’adresseront l’une à l’autre la bénédiction par le nom de ta descendance. » Nous pouvons faire beaucoup de bien autour de nous par notre foi et le don de nous-mêmes. Soutenir les autres matériellement bien sûr, mais aussi moralement et spirituellement. C’est aussi important !
Enfin, dans le récit de la Transfiguration, les disciples deviennent témoins de tout cela, mais après la Résurrection, ils deviennent aussi apôtres, c’est-à-dire envoyés. Nous aussi nous sommes envoyés en ce monde inquiet et souffrant. Le Seigneur attend de nous non pas de la peur et du repli sur nous-mêmes, mais le témoignage de fidèles croyants et rayonnants de l’espérance que nous donne le Seigneur. Amen.
† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon